Mais qu'il se souvienne que lors de mon départ son empire est en paix, que tous ses sujets l'aiment, que tous ses voisins le craignent, que l'abondance règne dans toutes ses villes, que l’éthique se manifeste dans toutes les familles, que le mal y est presque inexistant, que sa cour, à l'exception de Chrysaphios, ne compte pas de flatteurs, que le peuple est sans arrogance, que les grands sont sans orgueil et que la piété règne dans tous les temples de son empire. Qu'il se souvienne, Flavien, que ma décence est passée de mon cœur au sien et de là dans le cœur de tous ses sujets, afin que mon souvenir ne lui soit pas pénible et que, si par hasard il arrive qu'il me rappelle un jour comme il a rappelé Eudoxie, il puisse constater l'état dans lequel je laisse son gouvernement aujourd'hui. En ce qui concerne l'impératrice Eudoxie, je serais heureuse qu'elle sache que même si je n'ai pas étudié particulièrement la philosophie, même si je suis d'une naissance qui bannit les autres et non d'une naissance à être exilée, même si j'ai une part du trône qu'elle occupe entièrement aujourd'hui, je ne souffre pas de mon exil et je quitte ce trône avec plus de modération que celle dont elle a fait preuve en recevant la couronne que je lui ai donnée. Que le ciel me permette d'utiliser mon malheur mieux qu'elle n'a su profiter de sa chance. En conclusion de ce discours, souvenez-vous, mon père, vous qui avez dirigé ma conscience aussi longtemps que j'ai gouverné l'empire, que je ne me suis jamais fixé d'autre objectif dans ma vie que de faire toujours ce que j'ai dû faire pour être plus glorieuse et plus juste. La véritable prudence consiste à bien utiliser les événements qui nous arrivent : il ne faut pas s'attacher scrupuleusement à une seule qualité, mais les pratiquer toutes selon les différentes occasions. Il existe des moments où l'humilité n’est pas louable et où la grandeur d'esprit est plus nécessaire, ainsi que d'autres où la dissimulation équivaut à la sagesse et où la franchise est criminelle. Il faut savoir évoluer lorsque cela s’impose, sans toutefois changer la résolution de faire ce qui est juste. Si un prince à qui j'aurais mené une guerre équitable me réduisait à l'esclavage par la force des armes, je ne le considérerais plus comme mon ennemi, mais comme mon maître. Je lui serais fidèle dans cet état et je renouvellerais les chaînes qu'il me ferait porter si elles venaient à se rompre d'elles-mêmes, car je ne pourrais les briser sans commettre un crime. C'est pour cette même raison, Flavien, et par cette même pensée, que sans provoquer de troubles dans l'empire, sans soulever le peuple en ma faveur et sans rappeler aux ecclésiastiques que je les ai soutenus, je décide après avoir su régner de manière souveraine d'obéir avec autant de soumission que j'ai eu de courage en commandant la moitié du monde depuis l'âge de quinze ans jusqu'à aujourd'hui. Effet de ce discours 102