Sa conquête des Gaules a immortalisé sa gloire. En moins de dix ans, il a pris plus de huit cents villes, par un siège ou par un assaut, et a vaincu trois cents nations différentes. Face à des rencontres en bataille rangée avec plus de trente mille hommes armés, il en a tué plus d'un million et a fait autant de prisonniers. César, comment un traître ingrat t’a fait perdre la vie ! Mais je n'en suis pas encore à sa dernière victoire. Cette célèbre bataille qu'il a livrée sur les rives du Rhin contre Arioviste, où plus de quatre-vingt mille hommes ont péri, démontre que les vainqueurs ne se lassent jamais. D'ailleurs, César n'a pas toujours remporté ses victoires avec aisance. Il a parfois vu la victoire pencher en faveur de ses ennemis, il a été prêt à annoncer la défaite, mais sa force les a toujours menés à changer de camp. L'histoire des Nerviens en est un exemple éloquent : tous les Romains étaient presque battus, et il s'en fallait de peu que les ennemis deviennent maîtres du champ de bataille, lorsque César, seul au milieu des adversaires, a brandi son épée et un bouclier au bras gauche et s’est empressé de dominer ceux qui s’apprêtaient à vaincre les siens. Par la suite, il a été le premier à traverser le Rhin et à naviguer sur l'océan Atlantique avec une armée. Il a conquis l'Angleterre, dont on ignorait l’existence, et il a porté les armes et la gloire de Rome dans des contrées jamais visitées par les Romains. La fameuse prise d'Alésia n'est pas l'une des actions mineures de César : il a affronté une armée de trois cent mille hommes pour briser le siège. Mais avec autant de prudence que de courage, il a divisé ses troupes et agi avec tant d'adresse que les Romains qui restaient devant Alésia ne savaient pas qu'un puissant renfort venait à leur secours. Les Gaulois ignoraient qu'ils se battaient contre de redoutables ennemis jusqu'à ce que César les aient vaincus et que Vercingétorix se soit rendu à ce général. Après cela, je ne doute pas que l'histoire proclame un jour qu'il a détrôné tous les autres héros. Oui, Lépide, celui qui voudra comparer ses qualités à celles des personnages les plus héroïques constatera qu'il les a dépassées. Les Fabii, les Scipions, les Metelli et même ceux de son époque, tels que Sylla, Marius, les deux Lucullus et Pompée, lui sont inférieurs à bien des égards. Il surpasse Sylla par la difficulté des territoires qu'il a conquis ; Marcus Terentius Varro Lucullus par l'étendue des nations qu'il a soumises à la domination romaine et par la fierté des peuples auxquels il a dû faire face et qu'il a dû vaincre et éduquer en même temps ; Marius par le nombre d'ennemis qu'il a battus ; Pompée par sa douceur, sa clémence et son humanité envers ceux qu'il avait vaincus ; et Lucius Licinius Lucullus par sa magnificence et sa générosité envers ceux qui ont combattu sous ses ordres. Dans leur ensemble, il les surpasse tous par le nombre de batailles qu'il a remportées, le nombre d'ennemis desquels il a triomphé et le nombre de qualités humaines qu'il a exercées. Regarde, Lépide, voici les victoires que les Romains ne peuvent contester à César. Ils lui doivent tout le sang qu'il a versé lors des nombreuses batailles auxquelles il a participé. Il a combattu pour eux, risqué sa vie pour eux, vaincu pour eux, conquis tant de territoires pour eux. 106