Tous les sénateurs trouvaient les propositions de César équitables, car il leur montrait que s'ils voulaient qu'il dépose les armes et que Pompée ne le fasse pas, cela pourrait le pousser à accéder à la monarchie, mais en suggérant que tous deux les déposent, il demandait quelque chose de bénéfique pour tout le monde et qui ne devait pas contrarier Pompée s'il n'avait pas de mauvaises intentions. Scipion, son beau-père, et Marcellus, son ami, n’étaient évidemment pas d’accord, et ils ont été presque les seuls à empêcher que César obtienne ce qu'il réclamait. Ils ont parlé haut et fort en faveur de Pompée, si bien que le Sénat n'ayant pu prendre aucune décision, une impartialité publique a été décrétée pour cette dispute privée. Cependant, César n'a pas abandonné, proposant des solutions équitables à plusieurs reprises, mais à chaque fois, la ruse de Pompée a été la plus forte. D'ailleurs, je ne sais pas comment on aurait pu accuser César de vouloir s'emparer du pouvoir suprême, car peu de temps auparavant, lorsque Pompée lui avait demandé de lui rendre les troupes qu'il lui avait confiées, César les lui avait renvoyées sans hésitation, montrant ainsi qu'il ne craignait pas d'affaiblir ses propres forces ni d'accroître celles de ses ennemis, et donc qu'il n'avait aucune intention cachée. Et puis où sont les grands préparatifs de guerre que César aurait entrepris pour un projet aussi important ? Où sont les alliances qu'il aurait nouées à Rome ou dans d'autres villes ? Où sont ces grandes armées, ce nombre important de machines de guerre pour les batailles qu'il devait livrer ou les sièges qu'il devait effectuer ? Non, Lépide, César ne bénéficiait d'aucune de ces choses. Lorsque Curion et Marc Antoine l'ont rejoint, déguisés en esclaves, et qu’ils lui ont appris les mauvais traitements qu'ils avaient subis de la part de Pompée et les inquiétants projets que ce dernier prévoyait à l'égard de César et de la République, il ne disposait près de lui que de cinq mille hommes d'infanterie et trois cents cavaliers. Lépide, penses-tu vraiment que ces troupes étaient suffisantes pour une conquête d'une telle importance ? Si César avait eu cette intention, il aurait sans aucun doute levé une armée plus puissante et aurait trouvé des prétextes pour le faire. Il était trop avisé pour entreprendre une telle chose sans avoir cherché longuement les moyens de réussir. Ainsi, son passage à ce fameux ruisseau, devenu célèbre par son franchissement, n’a pas été le fruit d'une action préméditée. C’était plutôt une conséquence de sa colère, de sa honte et de son dépit, accompagnée d’un désir ardent de se venger de son ennemi et d’anéantir un homme qui non seulement voulait le détruire, lui, mais aussi détruire la République. Il est donc parti sans aucune préméditation, et avec les dieux comme guides, il est devenu maître de l'Italie en soixante jours sans verser le sang de ses concitoyens. En ce qui concerne Pompée, sa conduite a clairement montré que les remords de sa conscience lui ont fait perdre la raison. Ce n'était plus ce grand Pompée qui, lorsqu'il n'avait que des intentions légitimes et qu'il servait la République, faisait preuve d'autant de prudence que de courage. 108