Si la mort de César avait été un bien pour la République, les dieux n'auraient pas fourni autant de présages. Ils avertissent des malheurs afin que les hommes les évitent, mais ils envoient rarement des signes d’encouragement. Avec cette logique, on pourrait dire que Brutus a également été averti de sa mort. Ce spectre effroyable de la mort qui lui est apparu à deux reprises lui a été envoyé plutôt comme châtiment que pour lui donner l'occasion d'échapper au malheur qui l'attendait ou pour approuver son complot. Et puis qui a déjà eu de l’adoration pour les tyrans morts ? Quand ils sont vivants, on les craint, mais quand ils sont morts, on traîne leurs corps sur les places publiques, on les déchire en morceaux, on change les lois qu'ils ont établies, on abat leurs statues. Leur mémoire est détestable, et ceux qui les ont tués vivent en sécurité et avec honneur. Mais en ce qui concerne César, même mort, on lui a témoigné du respect. Les droits mis en place de son vivant ont été respectés par les Romains et ont semblé sacrés. Sa toge ensanglantée et toute percée par les coups qu'il avait reçus ont suscité de la douleur dans l'âme de tous les citoyens. Son testament, qui les enrichissait tous, a été écouté comme celui du père de la patrie. Le peuple lui a fait un bûcher plus glorieux pour sa mémoire que s'il avait reçu les funérailles les plus grandioses réservées aux rois, car c'était un témoignage de leur affection et du même feu qui avait consumé mon cher César. Son ombre a voulu embraser les maisons de ses meurtriers. Le Sénat n'a rien changé aux ordonnances qu'il avait établies. On lui a rendu de nouveaux honneurs, tous ses assassins ont pris la fuite et, avec un consentement universel, il a été élevé au rang des dieux. A-t-on déjà vu un tyran divinisé après sa mort ? Même Alexandre, le plus grand prince de l'Antiquité, n'a été considéré comme le fils de Jupiter que de son vivant. Et César a eu cet avantage supérieur à ce héros. Ce que les amis de César ont fait pour son mérite a été accompli après sa mort. Même les dieux, après avoir donné des présages de sa mort, ont voulu encore témoigner de leur immense colère. Cette effroyable comète qui est apparue pendant sept jours après sa disparition était déjà un signe de la vengeance qu'ils prendraient. Même le soleil, pendant une année entière, a perdu sa chaleur et son éclat habituels pour montrer à toute la terre que la République avait perdu en César sa plus grande figure et sa plus grande splendeur. Et pour mieux témoigner de son innocence, la vengeance céleste a poursuivi jusqu'à leur trépas tous ceux qui avaient contribué à cette conspiration injuste. Ils sont tous morts d'une mort violente, sans qu'aucun d'entre eux n'ait pu y échapper. Ils n'ont trouvé aucun endroit où vivre en paix. La mer leur a été aussi funeste que la terre. Ceux qui ont fui la fureur de leurs ennemis se sont donné la mort de leurs propres mains. Brutus s'est transpercé le cœur avec la même épée avec laquelle il avait frappé César, et ainsi, il s'est puni avec les mêmes armes avec lesquelles il avait commis le crime. Quant à Cassius, il a également mis fin à ses jours de la même manière, et j'ai appris finalement qu'il ne reste plus aucun des meurtriers de César dans ce monde. Juge après cela, Lépide, s'il n'est pas pleinement innocent. 115