Maintenant, Porsenna, c'est à vous de me dire si j'ai eu raison de convaincre ces filles de faire confiance à votre bonté. Pour ma part, même si je n'avais aucun intérêt personnel en jeu, je vous conseillerais d'agir ainsi. Non seulement il est glorieux pour vous d'avoir pu être l'ennemi des Romains et d'être actuellement leur allié, mais cela le serait encore plus si vous osiez rivaliser avec leur justice. C'est là qu'il est véritablement beau de les vaincre, car cette forme de guerre a ce privilège particulier où les vaincus tout comme les vainqueurs obtiennent toujours beaucoup de dignité. Le simple désir d’être vainqueur dans cette rivalité est plus avantageux que la victoire dans une bataille. Donc, Porsenna, osez commencer ce noble combat, ayez une confiance absolue en la parole des Romains et renvoyez-nous auprès de nos parents. Ils ont tenu leur parole de manière fidèle pour ne pas vous permettre de douter. Mais cela ne vous empêchera pas de faire une belle action si vous nous rendez notre liberté. Car accorder la liberté à des filles romaines, à des filles qui savent mépriser la mort pour éviter la honte, c'est leur donner plus que des royaumes, plus que des empires, et plus que la vie. Cet épisode de l'histoire sera si bénéfique pour vous que votre règne n'aura rien de plus glorieux. Vous gagnerez le cœur de tous les rois, vous aurez moins d'otages dans votre camp, mais plus d'influence à Rome. Ici, nous ne prierions les dieux que pour notre patrie, mais à Rome, nous leur verserons quotidiennement des offrandes pour votre gloire. Vous deviendrez notre protecteur, et même si nous n'avons pas été esclaves, nous vous estimerons avec les mêmes sentiments que si vous aviez rompu nos chaînes et que vous nous aviez libérées de l'esclavage. Ne refusez pas, Porsenna, ce glorieux titre de libérateur, car nous sommes prêtes à vous le donner volontiers. Vous pourriez peut-être dire que notre fuite vous a offensé, car nous avons fui par peur en vous considérant comme un prince cruel, barbare et tyrannique. Mais souvenez- vous, Porsenna, que le comportement des femmes doit être scrupuleux et prudent. Elles doivent considérer presque tout le monde comme leur ennemi, et comme l'usage leur interdit les armes, la crainte fait office de prudence. Il vaut mieux qu'elles fuient et meurent un peu trop tôt que d'attendre et de vivre un peu trop longtemps. Nous avons eu une mauvaise opinion de vous simplement parce que nous ne vous connaissions que sous le nom de protecteur de la tyrannie. Actuellement, je déclare que je ne sais pas encore qui vous êtes. Parlez donc, Porsenna, pour que je vous connaisse. Souvenez-vous que vous êtes à la vue de Rome, que tous les Romains sont vos spectateurs, que vous vous adressez à des filles qui sauront toujours vivre ou mourir dans la gloire, que votre renommée attend nos initiatives pour la proclamer à travers le monde, et que les dieux qui vous voient tiennent déjà des couronnes pour les disposer sur votre tête si vous parvenez à surmonter votre ressentiment et à vaincre l’intégrité de nos pères et la nôtre en plaçant votre confiance en eux et en nous accordant notre liberté. 134