Rendons-lui au moins les mêmes honneurs qu'il a rendus aux soldats de Varus. Puisqu'il a eu assez de cœur pour venger leur mort, soyons au moins assez cléments pour pleurer la sienne. Mais ne le laissons pas plus longtemps au milieu de cette affreuse campagne jonchée de cadavres. Regardons-le dans ses conquêtes, voyons comment le vaillant Arminius n’a pas osé l’affronter et admirons son adresse, sa conduite et son courage lorsqu'il a poursuivi et vaincu un ennemi si puissant. En faisant cela, Germanicus a veillé à allier la prudence au courage. Surprenant les Chattes lorsqu'ils s'y attendaient le moins, il a ravagé tout leur pays, prenant la ville de Mattium, la capitale de la province, y mettant le feu, y faisant un grand nombre de prisonniers, semant la terreur partout avant de reprendre le chemin du Rhin sans que l'ennemi ose le suivre. Ensuite, il est venu au secours de son allié Ségeste, qui était assiégé par les membres de sa propre nation pour renforcer Arminius. À l’arrivée de Germanicus, Arminius semblait plutôt fuir que se retirer, mais ce n'était qu'une ruse pour que Germanicus arrive dans une embuscade. Heureusement, il a échappé à toutes les embuscades qui avaient été préparées contre sa vie. Il a prouvé sa valeur lors de ces péripéties. Voyant que les Germains qui lui étaient alliés se dirigeaient vers un marais très avantageux pour les ennemis, il a fait avancer toutes les légions romaines en formation de bataille, ce qui a semé la terreur parmi les troupes d'Arminius et assuré la confiance parmi les nôtres. Le succès de Germanicus s’est également reflété sur son lieutenant Caecina, car il a surmonté toutes les difficultés qu'il a rencontrées, et combattu avec gloire les troupes d'Inguiomer et celles d'Arminius. Les armées romaines n’ont finalement été que victorieuses lors de ces rencontres et si ces victoires n’avaient pas déteint sur la gloire de Germanicus, il aurait été moins exposé aux suspicions de l’empereur. J'ai même entendu dire que j’avais contribué en quelque sorte à sa perte, car on a cru que sa valeur était aussi contagieuse que le mal en ce siècle et qu'il m'en avait transmis une part. On a pensé que puisqu'il m'avait rendue courageuse, il ferait des héros de tous les soldats qui combattraient pour lui. Mais ceux qui ont pensé cela ont oublié que je suis du sang d’Octave et que Germanicus a eu plus de difficultés à contenir mon courage qu'à le stimuler. De plus, il est vrai que lorsque des rumeurs ont circulé selon lesquelles l'armée romaine avait déserté et que les ennemis venaient ravager les Gaules, j'ai empêché certains qui étaient trop effrayés par cette fausse nouvelle de rompre le pont qui traversait le Rhin et j'ai en quelque sorte sauvé les légions romaines. Je n'ai rien fait qui aurait dû susciter des doutes. En effet, quand les légions sont revenues, je me suis tenue à l'extrémité du pont pour remercier les soldats, encourager certains, assister d'autres, consoler les blessés et faire tout ce que la compassion et la générosité me commandaient en faveur de ceux qui venaient de combattre pour leur pays, la sécurité de Tibère et la gloire de Germanicus. On aurait plutôt dû me remercier pour cette action que me considérer comme une ennemie. 146