Vous l'avez vu, Romains, traverser Rome avec ses généraux en paradant, mais au même instant où vous versiez des larmes de joie, il y avait peut-être un criminel qui prédisait que vous verseriez bientôt des larmes de douleur sur les cendres de Germanicus. Vous savez aussi qu'on ne l'a pas rappelé chez lui pour lui permettre d'y rester. Au contraire, on l'a envoyé dans un lieu très éloigné, estimant que c'était judicieux, et même nécessaire pour le bien public, ou plutôt pour le bien de quelques individus, de l'exiler de Rome sous un prétexte absurde. Quoi qu'il en soit, Germanicus a fait ce qu'on attendait de lui. Il était aussi habile à remplir les intérêts des princes alliés du peuple romain qu'à combattre ses ennemis. Si le traître Piso et sa femme Plancina n'avaient pas accepté de prendre la responsabilité de son assassinat, il aurait été difficile pour ses ennemis de parvenir à leurs fins. Germanicus était tellement aimé de tous qu'il aurait été difficile pour ceux qui l'ont fait mourir de trouver d’autres alliés. Il connaissait l'opinion que les autres avaient de lui et l'estime qu'il avait acquise ne pouvait être remise en question. Chaque fois qu'il partait à la guerre, il avait l'habitude d'aller seul la nuit dans le camp, déguisé en simple soldat, pour écouter ce que ces hommes disaient de lui, non pas dans le but de rechercher des compliments sur sa vaillance, mais plutôt afin de s’informer de ses défauts pour s'améliorer. Voilà, Romains, quel homme était Germanicus. Son âme était noble et aimante et, quelle que soit la forme que la mort prenne, il la regardait avec un visage serein. Il a connu la tempête qui a dispersé son armée et fait échouer son navire contre des récifs, sans craindre autre chose que de voir périr les légions romaines. Après ce naufrage, on l'a vu prendre en charge toutes les pertes subies par les soldats qui ont survécu à la tempête. On l'a vu, tant qu'il a vécu, servir ses plus grands ennemis. Et ce qui est le plus étrange et le plus merveilleux, c’est qu’il est mort sans accuser le chef de la conspiration contre sa vie, se contentant de demander à ses amis de punir les complices. Il me semble, Romains, que c'est la moindre chose que l'on puisse accorder aux cendres d'un petit-fils d'Antoine et d’Octave et du mari d'Agrippine. Oui, Romains, même si Tibère était le chef de cette conspiration, en tant que grand homme politique qu'il est, il devrait éliminer les complices de son crime. Piso et Plancina doivent être sacrifiés pour Germanicus. Même si c'est simplement pour les empêcher de parler et pour apaiser vos larmes, ils doivent perdre la vie. Ceux qui se lancent dans des actions malveillantes ont toujours l'habitude de se débarrasser des exécutants de leurs affreux projets afin de ne pas être soupçonnés. Piso a déjà osé dire à Vibius Marsus, avec une moquerie impertinente qui semble viser une personne que je préfère ne pas nommer par respect, qu’il prétendrait venir à Rome pour se défendre de la mort de Germanicus uniquement lorsque le juge chargé des empoisonnements aurait convoqué tous les coupables et les accusateurs. Oui, Romains, je vous le dis encore, quelle que soit la manière dont Germanicus est mort, Piso doit mourir. 148