Car si c'était à l'époque où tu faisais tout pour lui, jusqu'à lui envoyer tous tes joyaux et t’opposer à l'Empire romain en sa faveur, j'aurais été peu judicieuse dans mon choix et il m’était impossible de croire qu'Antoine, qui se vantait de générosité, trahirait un homme auquel il était aussi redevable pour une personne qu'il ne connaissait pas. Et si c'est depuis que vous n’êtes plus unis, en raison des machinations de Cléopâtre, cette accusation est encore moins crédible. J'aurais été bien imprudente de fournir moi-même des armes à mon ennemi, car à cette époque, tes intérêts étaient encore les miens. Et puis quelle crédibilité aurait eu ce geste ? À un moment où le monde entier était rempli de l'amour d'Antoine et de Cléopâtre, aurais-je envoyé mon portrait à Antoine ? Rome a-t-elle trouvé l’antidote pour le guérir des charmes de cette Égyptienne ? L'Empire a-t-il besoin de ce remède ou ai-je simplement voulu m’exposer à l’orgueil de cette malheureuse princesse dont la jalousie aurait sûrement éclaté ouvertement ? Non, Hérode, rien de tout cela ne s'est produit. L'innocence de Mariamne est si grande que même ses ennemis ne peuvent lui attribuer de véritables crimes. Et puis tu sais bien que ce que l'on appelle ma beauté ne m'a jamais rendue vaniteuse. J'ai toujours été plus préoccupée d'être méritante que belle. Cependant, je ne nie pas l'existence d'un portrait de Mariamne qui a circulé parmi tous les princes de la terre et qui sera peut-être conservé pendant longtemps. Oui, Hérode, il y a une image immatérielle de Mariamne qui parcourt le monde, qui remporte des conquêtes innocentes et qui, sans son consentement, t’attire des ennemis secrets. Sa noble naissance, sa morale, sa patience et ta cruauté sont les seules couleurs utilisées dans ce portrait, et le sang qui coulera de mon corps ne manquera certainement pas de le rendre admirable pour la postérité. Mais pour répondre à la seconde incrimination qui m'est faite, même si elle est fausse et ne parvient pas à me faire changer de ton malgré ma confusion d'être contrainte de parler d'une telle chose, je dirais également que grâce au ciel, je n'ai pas d'autre accusateur que toi. Or tu étais à Laodicée pendant la période supposée de ce crime, tu es donc incapable de témoigner de mes actions. Je suis bien assurée que tes yeux et tes oreilles ne peuvent rien rapporter contre mon innocence. Et bien que ta cour soit composée uniquement de tes esclaves ou de mes ennemis, je suis certaine que même ta sœur Salomé, qui me hait par jalousie et par intérêt d'État, et qui observe avec un soin extraordinaire chacune de mes paroles et de mes actions, n'oserait affirmer avoir entendu une seule parole ou remarqué un seul de mes regards qui puisse remettre en question la modestie de Mariamne. Ce n'est pas que j'ignore que ta sœur puisse dire un mensonge, mais ce qui me donne cette audace, c'est que je sais que j'ai encore plus de prudence qu'elle n'a de malice. Et cependant, il suffit d’ouvrir les yeux pour voir que les accusations portées contre moi sont un prétexte pour me perdre. Tu m’accuses d’avoir eu une liaison avec Joseph. Même si j'avais été capable d'un tel crime, aurais-je choisi le mari de Salomé, ma pire ennemie et confidente d'Hérode ? Elle était complice de tous les méfaits, elle était la geôlière de Mariamne. Néanmoins, tu oses prétendre qu'elle aurait dû me tuer pour obéir à tes ordres. Ciel, comment pourrais-je croire en un tel amour ? 16