Hérode, tu m’as dit adieu en pleurant, tu m’as regardée avec des yeux remplis d'affection, et pourtant tu aurais médité ma mort ? Si tu en étais capable, tu peux maintenant faire mine de me croire coupable pour me faire mourir innocente. Et ne me dis pas que cet ordre était le résultat de la forte passion que tu avais pour moi. La mort de la personne aimée ne peut jamais être une preuve d'affection. La haine et l'amour ne mènent pas aux mêmes actions, elles peuvent parfois régner successivement dans un cœur, mais jamais simultanément. Tout homme qui aime sincèrement ne peut pas vivre sans la personne aimée, mais il peut toujours mourir sans elle, et sa perte ne lui serait jamais une pensée agréable. Il devrait avoir le regret de s'éloigner d'elle, et non le regret qu'elle ne meure pas avec lui. Mais ta manière d'aimer est tout à fait singulière, et tes penchants sont naturellement si cruels que les poisons et les poignards sont les cadeaux les plus plaisants que l'on puisse recevoir de toi lorsque tu souhaites témoigner de ton amitié. Dis-moi, comment peux-tu concilier toutes ces choses ? Étant consciente que le ciel me protège, je suis convaincue que si je devais mourir, ma mort serait arrangée de façon que ton injustice et mon innocence soient clairement révélées. Tu dis que j'ai envoyé mon portrait à Antoine et donc que j'ai eu une liaison avec lui. Et dans le même temps, tu m’accuses d'avoir eu une autre liaison avec Joseph, car tu prétends que je lui ai confié la chose la plus importante pour toi, pour m’avoir dévoilé tes intentions meurtrières à mon égard. Il est impossible que je me sois donnée entièrement à lui en guise de récompense pour cette information. Réfléchis bien, Hérode, à ce que tu dis. Antoine et Joseph auraient-ils pu coexister dans mon cœur ? Étaient-ils des rivaux du même rang et du même mérite ? Et cette Mariamne dont la naissance est si élevée et illustre, dont l'âme est si admirable et glorieuse que certains considèrent cette fière noblesse comme un défaut plutôt qu'une qualité, aurait-elle pu succomber à la même faiblesse pour deux hommes si différents, que leur seul point commun est qu'il leur aurait été impossible de toucher son cœur s'ils l'avaient tenté ? Ma conquête n'est pas aussi facile que tu sembles le croire, et je suis étonnée que toi, qui n'as jamais essayé, imagines qu'elle ait été si simple pour les autres. Je reconnais que Joseph m'a révélé ta mauvaise intention à mon égard, mais je ne l'ai pas cru. Au début, j'ai songé que c'était une méchanceté de Salomé, qui voulait me pousser à t’affronter ouvertement pour causer ma perte. Elle pensait que ma mort me toucherait plus que celle d'Hyrcan et de mon frère. Ce qui m'a fait douter davantage, c'est que Joseph essayait de me convaincre que je devais te remercier pour cette manifestation extrême de ton amour envers moi. De plus, il ne m'a révélé ce complot qu'à ton retour, et il l'a fait en présence de ma mère et de toutes mes femmes, sans en faire un secret. Je dois admettre que même si je m'attendais à tous de ta part, j'ai douté de la véracité des paroles de Joseph. Je pensais qu’en tant que père de nos enfants, tu n’étais pas capable d'une telle cruauté. Je n'ai pas pris de décision ferme dans mon esprit et j'ai attendu ton retour. Je t’ai accueilli avec la même tristesse que j'ai toujours eue depuis la perte d'Hyrcan et d'Aristobule, sans rien te reprocher de plus. 17