En observant tes actions, je dois admettre que je doutais toujours de la véracité des paroles de Joseph. La malveillance de Salomé a cependant accru mes soupçons, et lorsque je t’en ai parlé, c'était davantage pour clarifier la situation que pour t’accuser. Car si cela avait été vrai que j'avais une affection particulière pour Joseph et que j'avais pris ce qu'il m'avait confié comme une pure vérité et comme une preuve de sa compassion envers moi, je serais plutôt morte que de l'avoir révélé, et ce malheureux serait encore en vie. Voilà pourtant tous les témoignages de bienveillance que je lui ai accordés : personne ne prétend que nous avions une relation particulière, personne ne dit qu'il venait souvent dans ma chambre, et enfin je n'ai rien fait de plus pour lui que ce qu'aurait pu faire sa plus cruelle ennemie si elle avait été dans la même situation. Certes, je l'aurais mal récompensé si j'avais agi ainsi. Tu affirmes également que la haine et la vengeance m'ont poussée à gratifier Joseph après avoir connu ton intention. Mais sache que les grandes âmes prennent les autres comme exemple et ne commettent pas les mêmes erreurs. Les crimes des autres leur inspirent une telle horreur qu'elles ne sont jamais plus fermement attachées au bien que lorsqu'elles sont témoins du mal. Et pour ma part, je pense que j'aurais été moins innocente si tu avais été moins injuste. Enfin, si Mariamne, issue de tant de rois, avait voulu donner son affection à quelqu'un, cela n'aurait pas été au mari de Salomé ni au favori d'Hérode. Et si elle avait été capable de punir les crimes d'autrui, elle n'aurait pas causé la mort de celui qu'elle aurait cru vouloir préserver. Tu sais trop bien quel fut mon étonnement lorsque après mon discours, j'ai compris par ta réponse que c'était vrai. J'en fus tellement surprise que je perdis presque la parole. Cependant, je n'anticipais pas l'accusation qui pèse aujourd'hui sur moi. La simple connaissance de ton crime et de l'innocence de Joseph, que j'exposais à ta cruauté, est l’objet de toute ma douleur. Depuis lors, Salomé, profitant de cette occasion pour me faire disparaître, comme elle le manigance depuis longtemps, t’a sans doute persuadé que j'avais voulu t’assassiner. Et voici le seul crime pour lequel un témoin se trouve contre moi. Mais il est ici plus pour justifier que pour convaincre. Quelle crédibilité peut-on accorder au fait que, pour un projet d'une telle importance, je me sois confiée à un homme d'une si basse condition ? Ai-je l'habitude de converser avec de telles personnes ? Comment est-il venu dans mon appartement ? Est-il de ma famille ou parent de l'un de mes officiers ? En quel lieu ai-je parlé avec lui ? De quelle manière l'ai-je soudoyé pour qu'il dénonce les joyaux que je lui ai donnés, pour qu'il exhibe l'argent qu'il a reçu pour un si grand projet ? Car il est déraisonnable de penser qu'il aurait risqué sa vie sur une simple espérance. Ce témoin, ou plutôt cet inconnu, répondra peut-être que, n'ayant pas l'intention d'accomplir cette action et voulant au contraire t’en avertir, il n'a pas songé à une récompense. Mais je réplique à cet imposteur qu'afin de me donner aucune raison de le soupçonner, il aurait dû accepter tout ce que je lui aurais offert, comme preuve de ma conspiration. 18