Contexte Après la défaite de la bataille d'Actium, causée par la fuite de Cléopâtre, suivie de celle d'Antoine, ce dernier la soupçonna de trahison, et il lui témoigna sa colère. Mais cette belle et astucieuse Égyptienne, voulant effacer cette mauvaise impression, lui fit ce discours pour défendre son innocence. Je me base au moins sur des suppositions historiques pour les paroles que j'attribue à cette reine, et voici ce qu'elle aurait pu dire dans cette situation, à cet amant en colère. Cléopâtre à Marc-Antoine Il est donc vrai qu'Antoine a pu me soupçonner de le trahir et de comploter contre lui. Il a pu croire que de ma main, je voulais lui arracher la couronne, que la victoire lui glisserait entre les doigts, laissant la trahison sonner. Si c’est le cas, et si par mes paroles je ne peux pas le raisonner, en lui donnant d'autres sentiments sur ma fidélité, je ne veux plus vivre, la mort est mon ultime souhait. Non, Antoine, si je suis morte dans ton cœur, je ne veux plus vivre en ce monde, et peut-être ma perte te montrera que je n'ai pas cherché la tienne. Mais dis-moi par quel moyen, par quelles générosités, ou quelles espérances Octave a-t-il pu corrompre ma fidélité ? Ce ne peut pas être une nouvelle passion qui a saisi mon cœur, puisque nous sommes tous deux des étrangers l'un pour l'autre. Ce ne peut pas non plus être par des présents, car que pourrais-je obtenir de lui que je n'aie déjà reçu de toi qui m'as offert des royaumes entiers, et qui me fais régner sur la plus grande partie de l'Asie ? Mais même s’il était vrai que j'aurais pu me résoudre à t'abandonner pour suivre son camp, quelle sécurité aurais-je pu trouver dans ses paroles ? Où sont donc les offrandes qu'il m'a envoyées pour s’assurer notre traité ? Où sont les territoires qu'il m'a restitués ? Quoi, Antoine, aurais-je pu me fier à la parole d’Octave ? Lui qui a publiquement déclaré la guerre contre moi à Rome, et qui me connaît plus sous le nom de cette célèbre Égyptienne, réputée davantage pour ses enchantements que pour sa beauté, plutôt que sous celui de Cléopâtre. Quoi, Antoine, aurais-je pu croire en lui ? Je me serais moi- même enchaînée ? Cléopâtre aurait-elle attaché de ses propres mains ses bras au char triomphal de son ennemi et de celui d'Antoine ? Par une imprudence et une ingratitude sans précédent, aurait-elle trahi un homme qui a lui-même trahi sa propre nation par amour pour elle ? Un homme qui est devenu l'ennemi de son pays par amour pour elle ? Un homme qui a renoncé à la sœur d’Octave plutôt que de l’abandonner, elle ? Un homme qui a partagé sa puissance avec elle ? Un homme qui a préféré ses propres intérêts à ceux de l'Empire romain ? Un homme qui lui a offert son cœur sans réserve ? Ah ! Non, Antoine, tout cela est improbable. 23