Vous savez que j'ai affronté une force militaire aussi imposante qu'il l’aurait fallu pour conquérir le monde entier. Mais je n'ai pas perdu courage face à cela. Vous savez que j'ai défendu les remparts de Palmyre avec autant de vaillance que de stratégie, et qu'Aurélien lui- même a été grièvement blessé par une flèche, peut-être tirée de ma main. Les dieux savent que j'ai préservé ma vie pour préserver votre liberté. D'ailleurs, depuis mon arrivée à Rome, j'ai appris que le monde saura que je n'ai pas abandonné le trône qui vous revenait sans me défendre. Aurélien a écrit de sa main à Mucapor, son ami, qu'il était vrai qu'il faisait la guerre à une femme, mais à une femme qui avait plus d'archers à son service que s'il s’était agi d'un homme. Une femme qui faisait preuve de prudence dans le danger et qui, par son discernement, avait préparé une si grande armée pour s'opposer à ses conquêtes qu'il était impossible d'imaginer le nombre prodigieux de flèches et de pierres dont elle disposait. Enfin, il a trouvé chaque parcelle des murailles de Palmyre défendue par plusieurs engins de siège. Ses troupes ont lancé continuellement des projectiles sur les nôtres. En réalité, il a prétendu que du fait que je sois une femme, je craignais la bataille, mais il se battait comme quelqu'un qui avait peur. Voilà, mes filles, ce que mon ennemi a dit de moi. Pourtant, il avait tort de dire que j'avais peur. Lorsqu'il m'a envoyé une offre de vie sauve et de pardon, à condition que je lui remette Palmyre et que je lui confie toutes mes pierres précieuses et tous mes trésors, j'ai répondu avec tant de fermeté que cela l’a offensé. Je me souviens, parmi les autres choses que je lui ai dites, je lui ai fait remarquer que personne auparavant ne m'avait dit ce qu'il souhaitait de moi car personne ne m’avait soumise. « Rappelle-toi, lui ai-je déclaré, que l’honneur doit guider aussi bien les affaires de la guerre que celles de la paix. De plus, je t'apprends que le secours des Perses que nous attendons ne nous fera pas défaut. Nous avons de notre côté les Arméniens et les Sarrasins. Et si les brigands de Syrie ont vaincu tes armées, Aurélien, que se passera-t-il quand nous aurons les forces que nous attendons de toutes parts ? Alors, tu perdras une part de cet orgueil démesuré avec lequel tu me donnes l'ordre de me rendre comme si tu étais pleinement victorieux ». Vous constatez, mes filles, que pendant que vous étiez aux temples à prier les dieux, je faisais tout mon possible pour vous protéger et ne pas souiller ma propre gloire. Ensuite, vous savez comment Aurélien a vaincu les Perses qui venaient à notre secours. Voyant qu'il était impossible de sauver cette ville, j'ai voulu au moins mettre ma personne en sécurité. Mais le destin, qui avait décidé ma chute, a finalement fait d'Aurélien mon vainqueur et de moi sa prisonnière. Dès qu'il m'a vue, il m'a demandé comment j'avais osé attaquer les empereurs romains et prendre leurs forces. Aurélien m'a dit : « Je te reconnais comme un empereur légitime, car tu sais comment vaincre. Je n’ai jamais considéré comme tels Gallienus et ses semblables. » Jusqu’ici, mes filles, vous ne pouvez pas m'accuser d'avoir manqué de courage. J'ai autrefois porté une couronne sans arrogance, j'ai eu la main assez ferme pour tenir à la fois un sceptre et une épée. 45