Contexte La reine Panthée de la Susiane fut une prisonnière de guerre du grand Cyrus. Cependant, elle fut traitée avec beaucoup de courtoisie, ce qui la poussa à suggérer à son mari, Abradate, de quitter le camp des Lydiens pour rejoindre les forces de Cyrus. Pour montrer sa gratitude et son courage, Abradate demanda à Cyrus la permission de combattre en première ligne. Après avoir obtenu cette faveur, il accomplit des exploits prodigieux, mais il se sacrifia tellement qu'il ne remporta la victoire qu’au prix de sa vie. Son corps, couvert de blessures, fut ramené à la désespérée Panthée. Cyrus vint la voir pour la réconforter ou plutôt pour partager sa douleur face à cette perte commune. C’est alors que la princesse affligée lui parla à peu près en ces termes. Panthée à Cyrus Vous pouvez voir, grand Cyrus, ce que la victoire vous a coûté : Abradate a été la victime qui vous a rendu les dieux favorables. Son sang a arrosé les lauriers qui couronnent votre tête. Il est mort en vous couronnant, mais en réalité, vous et moi sommes plus la cause de sa perte que la vaillance des Lydiens. Oui, Cyrus, c'est votre générosité, ma reconnaissance et la sienne qui l'ont mené à cet état désolant. Vous le voyez tout couvert de son propre sang et de celui de vos ennemis. Les nombreuses blessures qu'il a subies sur tout son corps sont des preuves évidentes de celles qu'il a infligées à ceux qu'il a combattus. Son courage a transformé le désespoir des Égyptiens. Cette main, presque séparée de son bras, montre clairement qu'il n’a pas lâché les armes avant d’avoir perdu la vie. On l'a vu, Cyrus, combattre avec une telle ardeur qu'on aurait dit que la victoire de cette bataille devait lui poser la couronne du monde entier sur la tête. Il a payé de sa personne, de son sang et de sa vie la dette que j’ai envers vous. Ainsi, grand Cyrus, c'est votre générosité, ma reconnaissance et la sienne qui ont causé sa mort et mon malheur. Cependant, je ne vous accuse pas, je suis trop juste pour cela. Au contraire, je vous remercie pour le réconfort que vous m'offrez. Je vois en vous le louable sentiment qui vous fait verser des larmes le jour même de votre victoire, et qui vous fait davantage regretter la perte d’un ami que vous réjouir de la conquête et de la défaite de tous vos ennemis. Mais après avoir rendu justice à votre mérite, permettez-moi de me plaindre du destin cruel qui a voulu qu’afin de sauvegarder mon honneur, j’aie été obligée de mettre mon cher Abradate lui-même dans le combat où il a perdu la vie. 66