Contexte Après qu'Artémise II a fait appel aux plus talentueux architectes de son époque pour construire le magnifique tombeau de son mari, le mausolée d’Halicarnasse qui devint par la suite l'une des sept merveilles du monde, son amour pour son cher Mausole n'était pas encore pleinement comblé. Elle fit venir de Grèce les orateurs Isocrate et Théopompe, véritables légendes de l'Antiquité. Elle engagea ces grands hommes à déployer leur éloquence en faveur de son défunt mari dont ils immortalisèrent la mémoire. Ainsi, pour obtenir cette faveur, cette inconsolable femme s'adressa à eux de la manière suivante, après que l'intensité de son amour eut fait momentanément oublier qu'elle se tenait devant le célèbre Isocrate. Artémise à Isocrate C’est à travers vous, orateur, que j'espère l'immortalité pour Mausole. C'est à vous qu'appartient la tâche de donner une âme à toutes les statues que j'élève pour lui. C'est à vous de lui construire un tombeau impérissable, défiant les révolutions des siècles, et qui immortalisera à jamais Mausole, Isocrate et Artémise. Je ne crois pas que le temps et le hasard respectent l'or, le marbre, les joyaux, la pierre et les autres matériaux précieux que j'utilise pour ériger ce monument somptueux. Non, je sais que ces trois cents colonnes, dont l’ordre est soigneusement observé, dont les bases sont solidement ancrées, dont les ornements sont magnifiques et où l'art surpasse la matière, ne seront qu'un jour des ruines pitoyables. Peu de temps après, il n'en restera plus rien. Tous ces bas-reliefs qui décorent les quatre faces de cette sépulture seront effacés par les affronts des saisons, et nous pourrons à peine distinguer quelques figures imparfaites parmi celles que nous admirons aujourd'hui. Ces obélisques, qui semblent défier la tempête, pourraient être renversés par la foudre et réduits en cendres. Ces vases fumants, ces flambeaux éteints, ces trophées d'armes et tous les ornements que l'architecture peut offrir ne pourront empêcher la destruction de cet ouvrage. Même si j'ai utilisé toutes mes richesses pour ce tombeau et que je l'ai rendu, par les mains expertes de Scopas, de Bryaxis, de Timothée et de Léocharès, l'une des merveilles du monde, si personne ne prend soin de préserver sa mémoire par écrit, les statues que j'ai fait ériger, l'or, le marbre, les joyaux, la pierre, les matériaux précieux, les colonnes, les bas-reliefs, les obélisques, les vases fumants, les flambeaux éteints et tous les ornements architecturaux qui apparaissent dans cette œuvre n'empêcheront pas que Mausole, son tombeau, ses architectes, ses sculpteurs et Artémise elle-même ne soient ensevelis dans l'oubli. Ils seront inconnus pour les siècles lointains du nôtre comme s'ils n'avaient jamais existé. Ainsi, c'est à vous, Isocrate, c'est à vous, Théopompe, de donner des fondements plus solides à cet édifice, d'animer tous ces marbres par des inscriptions grandioses, de ressusciter Mausole, de me faire vivre éternellement même si je sens que ma mort est imminente. Je ne vous demande pas, Isocrate, de louer Hélène ou Bucéphale, comme vous l'avez fait autrefois. 8