N'est-il jamais revenu à Rome sans rapporter des trophées de ses ennemis ou sans être couvert de leur sang ou du sien ? Voilà, Volumnia, voilà, Romaines, qui était mon cher Coriolan. Dans toutes les actions de guerre qu'il a menées, il n'a jamais été vaincu, sauf par moi-même. Même les Volsques l'ont jugé digne d’être leur commandant grâce et à cause du fait que c’était lui qui leur avait arraché la victoire à Corioles alors qu'ils étaient sur le point de la remporter malgré la résistance de Lartius. Lui-même, lorsqu'il a attaqué la ville de Corioles, a été vaillamment repoussé par les assiégés, ce qui a fait fuir toutes nos troupes et semé le chaos dans notre armée. C'est lors de cette bataille que sa passion pour la gloire de l'Empire romain l'a poussé à dépasser ses propres forces, et par ses encouragements et sa combativité, il a forcé certains de nos soldats à faire face à l'ennemi. Sa volonté était si victorieuse qu'il a refoulé l'ennemi jusqu'aux pieds des remparts de la ville. Et pas encore satisfait de cette action remarquable, il a convaincu ceux qui l'avaient suivi de profiter du fait que les portes de Corioles soient ouvertes pour accueillir les soldats en fuite, pour y entrer avec audace. Cependant, voyant que leur peur était plus forte que ses paroles et qu'ils pensaient davantage à se retirer qu'à livrer bataille, le malheureux que je pleure n’a pas renoncé à sa stratégie et est rentré dans Corioles. C'est là qu'il s’est retrouvé presque seul à combattre tous les habitants d'une ville qui se battaient désespérément. C'est là que sa bravoure a semé la terreur parmi les ennemis, que son exemple a redonné du courage à nos troupes et que par la force de son bras, il les a fait pénétrer dans cette ville fortifiée et les a rendues enfin victorieuses de ceux qui les avaient récemment repoussées. C'est donc uniquement grâce au courage de Coriolan que Lartius a eu le temps de rassembler ses troupes pour cueillir les fruits de la victoire, en achevant ce qu'il avait si audacieusement commencé. Mais conscient que le consul Cominius, qui commandait l'autre moitié de l'armée romaine, pouvait se retrouver confronté aux ennemis qui arrivaient pour soutenir la ville qu'il avait capturée, il a vivement réprimandé les soldats qui n’avaient pas voulu partager les dangers avec lui et s'amusaient à partager le butin qu'il avait acquis au lieu de venir en aide à Cominius. Après avoir constaté la lâcheté des pillards, il les a abandonnés. Il n’a été suivi que par ceux qui souhaitaient l'accompagner, bien qu'ils ne fussent pas nombreux. Il s’est alors hâté de chercher une nouvelle occasion de démontrer sa vaillance. Il est justement arrivé au camp au moment où Cominius s'apprêtait à livrer bataille à l'ennemi. Son aspect couvert de poussière et de sang a causé une certaine frayeur au consul. Mais à peine a-t-il fait le récit de l'exploit qu'il venait d'accomplir, que la nouvelle de cette première victoire a présagé la seconde. Tous les soldats ont retrouvé leur courage au combat, l'espoir et la joie se lisaient sur leurs visages, et rien qu'à les voir, on pouvait constater que la peur qui les avait envahis s'était dissipée de leurs cœurs. Quant à mon fils, il aurait été peiné de voir quelqu'un d'autre mieux servir la République ce jour-là. 87