Après avoir demandé au consul quelles étaient les meilleures troupes ennemies, et apprenant que celles des Antiates étaient sans aucun doute les plus vigoureuses, puisque les Volsques les avaient placées en première ligne, il a demandé en récompense de la prise de Corioles la permission de les affronter. Vous, Romaines, savez qu'il a obtenu cette faveur, que son bras guidé par les dieux a eu l'honneur de rompre les premiers rangs de l'ennemi, qu'il a été le seul à attaquer une armée pour montrer aux Romains comment mépriser sa propre vie pour devenir maître de celle d'autrui, et que cette vaillance prodigieuse a également été couronnée de succès. Après que la victoire a été déclarée en notre faveur, le consul a prié mon fils de considérer son état et de se souvenir que son sang coulait en même temps que celui des ennemis à travers les blessures qu'il avait subies. Mais il a répondu que ce n'était pas aux vainqueurs de se retirer. Par conséquent, mettant ses paroles en action, il a poursuivi ceux qui fuyaient jusqu'à la nuit. Étant le premier à entrer dans la bataille, il a été le dernier à en sortir. On pourrait peut-être dire que le désir de récompense inspirait cette vaillance chez mon fils, mais personne ne peut ignorer qu'il a refusé toutes les récompenses qui lui ont été offertes. Au contraire, sa modestie a été si grande qu'après avoir pris d'assaut une ville, remporté une victoire et sauvé l'honneur de l'armée et de la République, il n’a demandé en récompense de tous ses efforts que la liberté d'un seul homme, Tullus, qui avait autrefois été son hôte et son ami, et qui était alors prisonnier de guerre parmi les Romains. Je me souviens bien que le nom de Coriolan qu'il portait lui a été donné à l'occasion de cet événement pour immortaliser son action. Mais je me souviens aussi que Rome qui l'avait appelé Coriolan l’a ensuite qualifié injustement de perturbateur de l’ordre public, d'ennemi de Rome et de tyran du Sénat. Depuis ce jour, savez-vous ce qu’il a accompli ? Vous vous souvenez sans doute de cette horrible année où la famine a frappé Rome de plein fouet, où tout le peuple gémissait, où la faim apportait la mort aux plus démunis, et où même les plus riches étaient exposés au même danger. Vous savez bien que c'est Coriolan qui, par sa vaillance et son courage, a rapporté l'abondance à Rome, a redonné vie au peuple, et tout cela au prix de son propre sang, sans demander d'autre récompense que celle d'avoir sauvé la vie de ses concitoyens. Cependant, en échange de tant de services, de tant d'actes héroïques, de tant de blessures subies et de tant de sang versé, lorsqu'il a réclamé le consulat, un honneur accordé à de nombreux autres qui ne le méritaient pas autant que lui, ils l'ont traité d'infâme et de criminel, on l'a remis aux mains des Aediles comme le pire des hommes, et on l'a exilé de son pays. J’aurais dû demander grâce à ceux qui ont traité mon fils si injustement. Mais ce fils en détresse me l’aurait-il accordé ? Face à toutes les insultes qu'a subies Coriolan, qu'a-t-il fait pour se venger ? A-t-on découvert qu'il avait cherché à corrompre certains de nos consuls ? A-t-il secrètement détourné de l'argent pour soutenir l'armée des Volsques ou leur a-t-il fourni des soldats ? Non, Coriolan n'a rien fait de tout cela, et il s'est contenté, pour se venger de Rome, de remettre le citoyen le plus fidèle entre les mains de ses ennemis. 88