Son désespoir l'a poussé chez les Volsques, et heureusement, il a trouvé plus d'humanité dans le cœur de Tullus, qu'il avait autrefois vaincu en tant qu'ennemi, que dans l'esprit de son propre peuple, pour lequel il avait remporté des victoires contre ce même Tullus. J’insiste en disant qu'en raison de son ingratitude innée, Rome l'a abandonné lorsqu'il se battait pour une guerre qu'il avait commencée pour elle. J’insiste encore en rappelant que pour mériter le traitement injuste qu’il a reçu des Romains, il a trahi les Volsques qui le protégeaient et qui, par une confiance extraordinaire, l’avaient choisi comme général de leur armée. Certains pourraient avancer que Coriolan a fait plus de mal aux Romains en acceptant ce poste chez les Volsques que s’il avait corrompu les consuls de Rome, détourné des richesses, soulevé le peuple ou mené une armée contre eux. Car on a pu constater que sa simple présence et son commandement dans le camp des Volsques ont provoqué un changement radical de leur situation, et ceux qui avaient maintes fois réclamé la paix à Rome ont été contraints de l’acheter au prix fort. Ne croyez pas que cela soit simplement dû à son comportement et à sa vaillance. Non, nos dieux ont certainement guidé son bras pour réduire l’arrogance de ceux qui se figuraient invincibles et avaient l’habitude d'humilier leurs alliés. Mais malgré ces succès, il n'a pas oublié qu'il était né romain. Même si le Sénat l’avait abandonné à la colère du peuple, il a préservé leurs champs et leurs fermes malgré les ravages de la guerre. Il a même montré du respect envers ceux qui étaient devenus ses ennemis. Malgré son propre destin désastreux, il n'a jamais rien demandé pour lui dans les revendications qu'il proposait et n'a rien réclamé d'injuste pour les Volques qu'il protégeait. Voilà une fois de plus, Romaines, qui était Coriolan. Je reconnais mon fils dans le portrait que je vous en ai fait. Gardez son image dans votre cœur. Souvenez-vous que sans sa générosité, la famine aurait causé la mort de vos pères, frères, maris, enfants et vous-mêmes. Pire encore, vous auriez pu devenir les conjointes de leurs chaînes et de leur servitude sans ses exploits militaires. Ne suivons pas, nobles Romaines, l'ingratitude de nos concitoyens. Allons éterniser notre gloire à leur désavantage et avec notre reconnaissance, couvrons-les de honte. Ce temple que l'on nous a accordé lorsque mon fils nous a donné sa clémence ne sera pas aussi mémorable que l'affection que vous témoignerez en voulant perpétuer la mémoire de Coriolan. Vous dévouerez vos larmes à celui qui les a essuyées autrefois et qui a brisé vos chaînes. Vous adoucirez un peu l'amertume de ma douleur grâce à celle que vous manifesterez pour sa perte. J'ai sacrifié mon fils par amour pour vous, à vous de vous émouvoir par amour pour moi. Et puisque vous auriez toutes porté le deuil pour la vaillance de mon fils s’il était mort en combattant pour Rome, il est juste que vous le portiez toutes pour honorer sa mémoire. Allons donc, Volumnia, allons, Romaines, demander cette permission au Sénat. Mais est-il possible qu'il faille demander la permission de porter le deuil de notre libérateur ? 89