J'ai trop sacrifié à Jupiter et lui ai offert trop de victimes pour ne pas payer cette faute par un sacrifice. Je dois être moi-même ma propre victime en supportant cela avec patience et mériter le pardon de mes erreurs passées. Ne crois pas que j'emporte de l'amertume dans mon âme. Je vois bien que même le voyage que je m'apprête à entreprendre est mon propre choix, mais que la permission qui m'a été accordée peut me donner l'impression d'un exil plutôt que d'un pèlerinage. Cela n'empêchera pas que je prie Dieu pour que le sang de Paulin ne soit pas un obstacle à ton bonheur. Je ferai même des prières pour le règne de Pulchérie, dont la dévotion approuve sans aucun doute le lieu que j'ai choisi pour ma retraite. Je serai plus utile à Jérusalem qu'à Constantinople, et peut-être plus appréciée. Pour régler mes dernières dettes envers elle, je demanderai au ciel de lui accorder le repos dont je vais jouir dans ma solitude, bien que ce ne soit peut-être pas ce qu’elle souhaite. Je ne vais pas trop loin pour que la renommée puisse te parler de moi et elle te dira tant de choses sur l'innocence de ma vie que tu croiras que je n'ai jamais été coupable. Et la Terre sainte où je vais m'installer me permettra d'obtenir du ciel le plaisir et l'honneur de te revoir. C'est l'espoir qui réside dans mon esprit, celui d'une personne qui vivait heureuse dans une modeste cabane, qui a reçu une puissante couronne sans orgueil, qui quitte sans regret le trône le plus élevé de la terre, et qui n'a jamais aimé que l'empereur Théodose et l’honnêteté. Effet de ce discours Le discours qu’elle a prononcé ne fut pas inutile, même si son effet fut tardif. Il laissa des impressions chaleureuses chez Théodose, ravivant ses premières flammes. Eudoxie partit, c'est vrai, mais elle revint avec honneur. Elle se prosterna à ses pieds pour lui demander pardon, elle qui avait le pouvoir d’avoir la moitié de la terre à sa disposition. Son innocence et sa réputation remontèrent sur le trône avec elle, après que le temps et la raison eurent rétabli la tranquillité dans l'âme de l'empereur. Notes Eudoxie II, née vers 400 à Athènes et morte en 460, est une impératrice byzantine, fille de Léontias et une femme de lettres du Ve siècle. Son influence croissante auprès de Théodose, son mari, finit par lui valoir l'hostilité de Pulchérie et sa condamnation à mort. Elle fuit à Jérusalem. Léontias d’Athènes est un philosophe et un rhéteur athénien. C’est le père d’Eudoxie. 96