La princesse comprit immédiatement et, sur le point de quitter la cour pour se retirer à la campagne, elle lui adressa la parole de la manière suivante. Pulchérie à Flavien Cher Flavien, je ne suis pas étonnée ni abattue par le conseil que vous m'avez donné. J'avais anticipé avec lucidité que le retour d’Eudoxie entraînerait le départ de Pulchérie. Étant habituée aux bouleversements du monde, je ne vois pas avec regret ce changement qui ne sera peut-être désavantageux que pour ceux qui l'ont provoqué. Cette mutation soudaine est le résultat de la malice de Chrysaphios, de la bonté de Théodose et de l'ambition d’Eudoxie. Qui aurait pu prédire, Flavien, que cette pauvre Eudoxie, qui n'avait même pas un abri pour se protéger lorsqu'elle s’est jetée à mes pieds, porterait la plus puissante couronne du monde sur la tête ? Cela aurait-il semblé crédible ? Mais plus étrange encore, qui aurait pu imaginer que la personne que j'ai couronnée de mes propres mains me retirerait violemment les rênes de l'Empire que j'ai élégamment gouverné sous l'autorité de Théodose depuis l'âge de quinze ans ? Non, Flavien, je ne veux pas que la postérité puisse accuser ni l'empereur ni l'impératrice d'avoir exilé une princesse à qui ils doivent la couronne qu’ils revêtent. Car si j'ai placé cette couronne sur la tête d’Eudoxie, je l'ai consolidée sur celle de Théodose. Cette célèbre victoire qu'il a remportée contre Ruga qui, après avoir traversé le Danube, venait avec toutes les forces arméniennes et magyares pour renverser le trône impérial jusqu'à Constantinople, n’a pas été qu'un effet des efforts de Théodose. Et, osons le dire, j'ai arraché le tonnerre des mains de Dieu pour écraser la tête de ce barbare, car vous savez qu'il est mort frappé par la foudre. Oui, Flavien, Théodose me doit cette victoire, tout comme celle qu'il a décrochée contre Vahram, le roi des Sassanides, qui s'était allié avec Al-Mundhir, le roi des Lakhmides. Ils avaient formé une armée si puissante qu'il fallait certainement une force plus qu'humaine pour s'opposer à cette multitude d'hommes de différentes nations qui la composait. Cependant, une terreur s'est emparée de ces troupes, elles se sont autodétruites et ce qui aurait dû les rendre victorieuses les a rendues incapables de vaincre. Oui, sage Flavien, j'ai utilisé les vents, les tempêtes et le tonnerre pour la gloire de Théodose. J'ai entraîné le ciel dans sa protection, et ces victoires non sanglantes qu'il a remportées ont été la récompense de la sagesse que je lui ai enseignée. Vous savez qu'ayant deux ans de plus que lui, j'ai pris soin de son éducation. J’ai l'honneur d'être sa sœur, mais il est mon fils adoptif et vous savez de quelle manière j'ai agi depuis que Théodose m'a fait l’honneur de partager sa puissance avec moi et de m'associer à l'Empire. Peut-il y avoir un règne plus heureux que le sien ? Y a-t-il un prince sur terre qui n'aime pas Théodose ou qui ne le craint pas ? Quelqu'un se plaint-il de ma domination ? Mes conseils n'ont-ils pas été justes ou bienveillants ? 98