incité à la tyrannie. Tout le monde sait que Pompée a fait tellement de choses pour s'emparer du pouvoir qu'il a été déclaré seul consul afin de l'empêcher d'entreprendre davantage. Les Romains ont préféré satisfaire sa vanité plutôt que de s'y opposer directement. En ce qui concerne César, ils ne l'ont pas traité de la même manière, car loin de lui accorder de nouveaux droits, ils lui ont refusé avec affront les faveurs qu'il a sollicitées. Lentulus, partisan de Pompée, a honteusement chassé Marc Antoine et Curion, qui ont été contraints de se déguiser en esclaves pour retourner en sécurité auprès de César. Tout cela, Lépide, parce que César leur avait demandé de continuer à gouverner les Gaules qu'il avait conquises. Malgré le refus injustifié qu’il a obtenu, César n’a pas pensé à des intentions injustes. Il a compris que Pompée ne réclamait son retour à Rome que pour le vaincre, et a considéré Pompée comme son ennemi et comme le seul obstacle à son accession à l’autorité qu'il convoitait depuis si longtemps. César a voulu concilier à la fois sa personne et le bien public. Il a cherché à désarmer son ennemi, l'ennemi de Rome, et à se désarmer lui-même. Il a donc fait savoir au Sénat, pour montrer la pureté de ses intentions, qu'il était prêt à quitter le gouvernement des Gaules pour lequel il avait risqué sa vie à maintes reprises, qu'il était prêt à déposer les armes, à rendre compte de ses actions, à renoncer complètement à toute forme d'autorité, à condition que Pompée dépose également les armes et qu'ils vivent tous deux en simples citoyens. Il me semble que ces propositions n'étaient pas tyranniques, car les tyrans ne s'exposent jamais à de telles choses, et le comportement de Pompée a clairement prouvé ce que je dis. Si César lui avait suggéré de partager le pouvoir suprême avec lui, peut-être aurait-il écouté avec plus d’attention. Mais parce que César a voulu le placer dans l'impossibilité d’accéder à la tyrannie, il n’a pas pu tolérer une proposition aussi juste qui l’aurait autant éloigné du pouvoir. Il a manœuvré pour empêcher le Sénat de se décider rationnellement et, pour épuiser totalement la patience de César, il a fait chasser Marc Antoine et Curion avec déshonneur. On l'a traité d'ennemi du bien public, et Pompée, qui ne cherchait qu'à semer le trouble pour ruiner César et profiter des malheurs des autres, a préféré ruiner sa patrie plutôt que de changer ses projets. Tous les sénateurs trouvaient les propositions de César équitables, car il leur montrait que s'ils voulaient qu'il dépose les armes et que Pompée ne le fasse pas, cela pourrait le pousser à accéder à la monarchie, mais en suggérant que tous deux les déposent, il demandait quelque chose de bénéfique pour tout le monde et qui ne devait pas contrarier Pompée s'il n'avait pas de mauvaises intentions. Scipion, son beau-père, et Marcellus, son ami, n’étaient évidemment pas d’accord, et ils ont été presque les seuls à empêcher que César obtienne ce qu'il réclamait. Ils ont parlé haut et fort en faveur de Pompée, si bien que le Sénat n'ayant pu prendre aucune décision, une impartialité publique a été décrétée pour cette dispute privée. Cependant, César n'a pas abandonné, proposant des solutions équitables à plusieurs reprises, mais à chaque fois, la ruse de Pompée a été la plus forte. 105