D'ailleurs, je ne sais pas comment on aurait pu accuser César de vouloir s'emparer du pouvoir suprême, car peu de temps auparavant, lorsque Pompée lui avait demandé de lui rendre les troupes qu'il lui avait confiées, César les lui avait renvoyées sans hésitation, montrant ainsi qu'il ne craignait pas d'affaiblir ses propres forces ni d'accroître celles de ses ennemis, et donc qu'il n'avait aucune intention cachée. Et puis où sont les grands préparatifs de guerre que César aurait entrepris pour un projet aussi important ? Où sont les alliances qu'il aurait nouées à Rome ou dans d'autres villes ? Où sont ces grandes armées, ce nombre important de machines de guerre pour les batailles qu'il devait livrer ou les sièges qu'il devait effectuer ? Non, Lépide, César ne bénéficiait d'aucune de ces choses. Lorsque Curion et Marc Antoine l'ont rejoint, déguisés en esclaves, et qu’ils lui ont appris les mauvais traitements qu'ils avaient subis de la part de Pompée et les inquiétants projets que ce dernier prévoyait à l'égard de César et de la République, il ne disposait près de lui que de cinq mille hommes d'infanterie et trois cents cavaliers. Lépide, penses-tu vraiment que ces troupes étaient suffisantes pour une conquête d'une telle importance ? Si César avait eu cette intention, il aurait sans aucun doute levé une armée plus puissante et aurait trouvé des prétextes pour le faire. Il était trop avisé pour entreprendre une telle chose sans avoir cherché longuement les moyens de réussir. Ainsi, son passage à ce fameux ruisseau, devenu célèbre par son franchissement, n’a pas été le fruit d'une action préméditée. C’était plutôt une conséquence de sa colère, de sa honte et de son dépit, accompagnée d’un désir ardent de se venger de son ennemi et d’anéantir un homme qui non seulement voulait le détruire, lui, mais aussi détruire la République. Il est donc parti sans aucune préméditation, et avec les dieux comme guides, il est devenu maître de l'Italie en soixante jours sans verser le sang de ses concitoyens. En ce qui concerne Pompée, sa conduite a clairement montré que les remords de sa conscience lui ont fait perdre la raison. Ce n'était plus ce grand Pompée qui, lorsqu'il n'avait que des intentions légitimes et qu'il servait la République, faisait preuve d'autant de prudence que de courage. Il a perdu les deux lors de cette rencontre, car même s'il disposait de beaucoup plus de soldats que César et qu'il se trouvait à Rome, dès qu'il a appris que César avait franchi le Rubicon, il s'est précipité de fuir sans même prendre le temps de faire des sacrifices aux dieux pour apaiser cette tempête. Pompée a été surpris du manque de soutien, ses mauvaises actions passées ayant rendu cette fuite difficile pour lui. Dans ce grand chaos, plusieurs personnes perdirent le respect qu'elles lui avaient toujours témoigné. On se souvient qu'il avait autrefois déclaré qu'en frappant du pied contre la terre, il en ferait sortir des soldats. Cette manière de parler, qui sentait la tyrannie, lui a été reprochée, et l'un des hommes influents de Rome, voyant son étonnement, lui a dit avec beaucoup d'audace : « Frappe maintenant la terre pour accroître ton armée et te dresser contre César. » Son ambition et son injustice l’ont également condamné, et les choses dites à son encontre lors de cette fuite montrent clairement que Pompée était le tyran et que César était le défenseur. En effet, dès son arrivée à Rome, il a traité humainement tous les sénateurs, 106