Ensuite, pour justifier la franchise de ses intentions et prouver que sa victoire n'était pas un caprice du destin, mais l'accomplissement de la volonté des dieux, il n’a pas cessé d'être victorieux dans toutes les autres initiatives qu'il a entreprises. Les guerres d'Égypte et d'Arménie, au sujet desquelles il a écrit à Rome qu'il était venu, qu'il avait vu et qu'il avait vaincu, en témoignent suffisamment. Puis, en une seule journée, il s’est emparé de trois camps ennemis, a tué cinquante mille hommes et n’a perdu que cinquante soldats. À ton avis, Lépide, était-ce le bras de César qui combattait ainsi, ou plutôt celui des dieux ? Cette victoire ne l’a pas rendu impitoyable pour autant. Lorsqu'on lui a annoncé que Caton s'était donné la mort de sa propre main, il s’est écrié : « Ô Caton, la porte de la lamentation s'ouvre pour moi à ta mort, puisque tu m'as privé de l’occasion de te sauver la vie. » Certains affirmeront peut-être que si Caton avait vécu, César n'aurait pas fait ce qu'il disait, mais il est facile d'imaginer que celui qui avait pardonné à Brutus et à Cicéron, qui avait combattu aux côtés de Pompée, aurait également pardonné à Caton. Mais, Lépide, je ne veux pas que l'on juge César à travers ce que je connais de lui, je ne veux pas que l'on juge César selon ce que disent ses amis. Je veux simplement qu’on le juge par les honneurs que tous les Romains lui ont rendus, pendant sa vie et après sa mort. La construction du temple de la clémence qu’on lui a érigé à une justification valide, car il n'y a jamais eu de vainqueur qui ait aussi parfaitement pratiqué cette qualité dans la victoire. Mais dis-moi, Lépide, comment est-il possible que ces Romains qui depuis la fin de la guerre ne peuvent reprocher à César aucun acte de souveraineté suprême, comment est-il possible que ces mêmes hommes qui ont bâti ce temple de la clémence en reconnaissance de sa bonté aient pu l'appeler tyran ? Dans l'histoire, on peut trouver des exemples d'arcs de triomphe érigés par des tyrans pour eux-mêmes. Grâce à leur violence et leurs ordres, leurs statues étaient même placées sur les autels. Mais construire volontairement des temples à leur gloire et des temples de clémence, cela ne se trouve pas à toutes les époques et cela n'est pas le cas de César. Car, en fin de compte, il n'était pas un oppresseur et il méritait sans aucun doute plus de reconnaissance qu'il n'en a reçu. Ne te souviens-tu pas, Lépide, de ce jour où il a fait remettre les statues de Pompée et où Cicéron a déclaré qu'en les redressant, il avait garanti les siennes ? Cette action avait alors été considérée comme aussi admirable qu'elle l'était. Tous les Romains ne parlaient que de cela et s'accordaient à dire que César était le plus grand et le plus admirable de tous les héros. À cette occasion, César apparaissait aussi équitable que généreux. Comme ces statues avaient été érigées pour Pompée à une époque où il servait la République et ne la détruisait pas, il n’a pas voulu qu'on lui ôte une marque d'honneur qu'il avait véritablement méritée. Et puis les tyrans ne sont jamais en sécurité. Ils craignent tout et ne font confiance à personne. Ils se jugent eux- mêmes légitimes d’une mort violente, et par les précautions qu'ils prennent pour l'éviter, ils montrent qu'ils savent qu'ils la méritent. Mais César agissait innocemment, il avait confiance en tout le monde. En déléguant à Brutus et Cassius l'autorité en les nommant magistrats, il n’a 109