vous disiez de moi. Mais pour mon cher mari, n'oubliez rien de tout ce qui peut lui être glorieux et de tout ce qui était réellement en lui. Parlez de sa redoutable ferveur envers ses ennemis, de son amour pour ses sujets et du respect qu'il inspirait à tous les princes voisins. Parlez des grandes qualités de son âme ainsi que des grâces qu'il avait reçues de la nature. Louez sa valeur à la guerre, sa douceur en temps de paix, son équité et sa clémence envers tous. Enfin, formez- vous l'image d'un prince accompli, et vous aurez le véritable portrait de Mausole. Mais après avoir dit toutes ces choses sur ce prestigieux mari, parlez avec ardeur de l'amour qu'il avait pour moi et de celui que j'ai toujours eu pour lui. Répandez cette passion aussi forte, pure et fidèle qu'elle a été. Détrompez ceux qui croient que le crime est le carburant de l'amour et pensent qu'une passion légitime ne peut être aussi ardente, durable et agréable. Apprenez-leur que Mausole et moi donnons un exemple qui détruit toutes leurs expériences et tous leurs raisonnements, car même si notre amour a été empreint d'innocence, il n'en a pas moins été brûlant, persistant jusqu'à la mort et infiniment plaisant pour nous. Parlez donc avec éloge de cette liaison qui contraint deux personnes prestigieuses à s'aimer éternellement. Mais, si possible, dépêchez-vous de me satisfaire. Employez même votre éloquence pour persuader tous ceux qui œuvrent au tombeau de Mausole d'accélérer leur travail, car le mien touche bientôt à sa fin. Les maigres cendres qu'il me reste de mon cher Mausole seront bientôt consumées, et une fois cela accompli, je n’aurai plus rien à faire dans ce monde. Tout ce qui se trouve sur terre ne saurait plus éveiller mon esprit. Je suis insensible à tout, sauf à la douleur. Le seul désir qui habite mon âme est de rejoindre mon cher Mausole et d'être certaine que vous prendrez soin de sa gloire. Votre propre reconnaissance devrait vous y encourager, la compassion devrait vous y pousser, et s'il est permis d'offrir d'autres récompenses aux philosophes que le simple plaisir de faire le bien, considérez les dépenses que j'engage pour la construction de ce magnifique tombeau et jugez que celle qui dépense tant de trésors pour des marbres muets ne sera pas avare lorsque vous parlerez à la gloire de son cher Mausole. Mais, quel que soit votre empressement à me satisfaire, ni les architectes ni vous n'aurez achevé vos ouvrages aussi vite que je terminerai le mien. Et si je ne me trompe pas, je mourrai assez tôt pour vous permettre d'illuminer l'éloge de Mausole par la mort de son Artémise. Effet de ce discours Cette vertueuse reine obtint ce qu'elle désirait : Isocrate et Théopompe parlèrent de son cher Mausole de manière si élogieuse que certains les accusèrent de flatterie intéressée. Quant à elle, il était légitime qu'elle presse les architectes, car ce somptueux tombeau n'était pas encore terminé qu’elle y reposa à son tour. Ceux qui avaient entrepris cette œuvre miraculeuse ne manquèrent pas de l'achever. Pendant longtemps, il fut l'une des merveilles du monde, et 11