que celles des autres, et ils doivent proportionner leurs dons à leur grandeur. Ceux qui reçoivent ont un bénéfice dans le présent, mais généralement pas dans la postérité. Celle-ci revient entièrement à celui qui donne. En réalité, les conquêtes les plus honorables qu'un roi puisse réaliser sont celles qu'il accomplit par la générosité. En temps de guerre, le succès est toujours incertain. Aucun combat, aussi favorable soit-il au départ, n'est à l'abri d'une fin désastreuse. Mais dans la générosité, on est toujours assuré de remporter la victoire. Un prince généreux se crée des esclaves, des sujets et des amis parmi tous ceux à qui il donne. C'est seulement par cette voie qu'il peut mériter le rang des dieux. Parmi tous les hommes, les princes doivent choisir comme principale cible de leur générosité ces célèbres diffuseurs de la gloire. Cependant, il y a une différence : ce qui est pure générosité dans d'autres circonstances est ici une reconnaissance car on ne peut jamais être assez reconnaissant des actions des poètes. Ils nous accordent l'immortalité. Autrefois, il y avait des princes stupides, ignorants et avares qui auraient pu laisser les poètes dépérir dans la pauvreté sans leur offrir de juste motif de louanges. Mais si Octave, avec toutes les connaissances qu'il possède dans les domaines du savoir, avec son amour pour les belles œuvres, avec la poésie pour divertissement, avec son amour de l’honneur qu'il a toujours manifesté et avec ses propres réalisations qui pourraient le placer parmi les auteurs les plus prestigieux, si Octave donc, ayant tous ces avantages, ne donnait que misérablement à ceux qui se consacrent aux belles lettres, il serait déshonoré. Ce serait presque moins honteux pour lui d'être stupide, ignorant et avare à la fois que d'être cultivé et cupide. Mais grâce aux dieux, sa volonté et tes conseils, il a empêché que cette obligation ternisse sa vie. Pour savoir si Octave a véritablement aimé les arts et les sciences, il suffit d'examiner les récompenses qu'il a accordées à ceux qui les pratiquaient. Parmi tous ceux qui excellent dans cet art que les dieux ont enseigné aux hommes, il faut reconnaître que ceux qui ont le courage d’entreprendre un poème épique méritent le premier rang auprès des rois. Ce sont ceux-là qu'ils doivent considérer particulièrement. En effet, parmi toutes les formes de poésie que nous admirons, cette œuvre est la plus grande, la plus illustre, la plus difficile et la plus glorieuse, tant pour son créateur que pour le héros qu'il choisit. En toute logique, le poème épique englobe en lui-même toutes les beautés des autres formes de poésie, et même davantage. Ceux qui composent des élégies immortalisent plus leurs amours, leurs passions et leurs souffrances que les mérites de leurs princes. Les odes ne dévoilent que des tableaux schématiques où la plupart des éléments ne se distinguent pas clairement. Parfois, une seule action peut être trop grande pour cette œuvre, et finalement, les limites des odes sont trop petites pour défier le temps et le destin. Les églogues rappellent à la postérité l'idée que l'âge d'or était heureux, à une époque où les Muses pouvaient se consacrer à faire parler des bergers plutôt que de se plaindre de la tyrannie de leurs rois. Les satires, ces représentations où chacun 122