Écoutez ces bruits qui viennent des soldats dans leur camp et craignez leur animosité. Ils sont à la fois des soldats, des étrangers, nos ennemis et les défenseurs des Tarquins. Enfin, mes compagnes, réfléchissez que là où vous êtes, vous pouvez perdre votre honneur, et là où je veux vous conduire, vous pouvez seulement perdre votre vie. » Voici, Porsenna, une partie des arguments que j'ai utilisés pour persuader ces courageuses jeunes filles de me suivre. Et je dirais, pour leur honneur et celle de ma patrie, que j'ai réussi à les convaincre d’assimiler mes sentiments. Aucune d’entre elles ne s'est opposée à mon opinion. Elles ont envisagé la mort avec sang-froid et ont quitté la rive avec joie, même si elles pensaient certainement à leur trépas. Mais comme nos intentions étaient très innocentes, les dieux ont pris soin de nous guider. Ils ont soutenu notre faiblesse, nous ont aidées à traverser les eaux du Tibre et nous ont conduites de l'autre côté. Mais nous n'y avons pas trouvé tout le repos que nous espérions, car cette loi austère appliquée par tous les Romains a fait que nos parents n'ont pas éprouvé de joie en voyant notre retour. Ils ont admiré notre audace, ont même loué notre action, mais pour respecter l'engagement public qu'ils vous avaient donné, ils ont voulu que nous soyons ramenées dans votre camp. Ils nous ont fourni une escorte pour nous y conduire. Regardez, Porsenna, après cette aventure, qui sont les filles de Rome, qui préfèrent risquer leur vie et manquer à leur parole plutôt que de renoncer à leur honneur. Et regardez aussi qui sont les hommes romains, qui préfèrent exposer la vie et la dignité de leurs filles plutôt que de manquer à leur parole. Oui, Porsenna, ces deux actions méritent des éloges. Et pour être justes, nous rendons à nos parents les mêmes honneurs qu'ils nous ont rendus. Ils ont loué notre fuite, même s'ils nous ont remises entre vos mains, et nous admirons également leur honnêteté, même si elle nous prive de la liberté que nous avions acquise. L'intention de préserver notre honneur a motivé notre fuite, et celle de ne pas salir leur réputation a motivé notre retour. Vous pourriez peut-être dire qu'il est difficile de comprendre comment une même action peut être à la fois gratifiable et condamnable et que notre retour est une preuve infaillible que notre fuite était criminelle. Non, Porsenna, cette question ne doit pas être envisagée de cette façon. Il faut l'examiner plus attentivement pour la juger équitablement. Je suis convaincue que si on la regarde d'un œil impartial, on reconnaîtra que notre fuite a été glorieuse pour nous, et que notre retour l'est pour nos parents. J'admets qu'en quelque sorte, il semble que nous ayons manqué à notre engagement public. Mais avant de nous condamner pour cette faute, il faut me permettre de défendre notre cause. On ne peut pas nier que l'honneur doit être la raison de toutes les actions des hommes. C'est pour lui qu'on risque sa vie à la guerre, qu'on renonce parfois à tous les sentiments naturels, qu'on se dévoue au salut de sa patrie, qu'on respecte scrupuleusement l'engagement public et qu'on se motive à faire toute initiative. Donc, ne soyez pas surpris si, pour préserver notre honneur, nous avons exposé notre vie et manqué à notre engagement public. Puisque nous voulions garder l'honneur lui-même, il nous était permis de 128