Germanicus, tous couverts de larmes. Ayez pitié de leur jeunesse et de leur malheur, et craignez avec moi que leur père, en les abandonnant, n'ait emporté avec lui toute leur moralité. Si sa vie avait été aussi longue qu'elle aurait dû raisonnablement l'être, son exemple aurait toujours porté leur instinct vers le bien. Mais aujourd'hui, dans l'état des choses et tel qu'il est, qui sera en mesure de les instruire, de les corriger ? Qui les mènera à la guerre ? Qui fera en sorte qu'ils haïssent la perversité et aiment l’éthique ? Je ne doute pas que Tibère n’aura jamais les mêmes sentiments pour eux que leur père avait, car ses sentiments ne changent pas. Cependant, étant donné que l'empereur n'a pas empêché que Germanicus ait des ennemis, des envieux, des persécuteurs et qu'il soit mort empoisonné, il est possible que les actions qu'il fera pour leur éducation leur soient totalement inutiles. Que le ciel fasse que tout ce que je redoute pour Caligula n'arrive pas. Amis Romains, laissons le futur entre les mains des dieux et concentrons- nous sur les malheurs qui nous peinent. Ces malheurs sont si grands qu'ils méritent toutes nos larmes. Versez-les toutes pour mon cher Germanicus, et souvenez-vous qu'il était du sang des Jules César, des Antoine, des Marcellus et des Octave. Il est de votre responsabilité, Romains, de pleurer dignement sa mort et de célébrer sa mémoire. Et pour témoigner l'estime que vous aviez pour lui, haïssez ceux qui l'ont haï, détestez ses envieux, ses ennemis et ses bourreaux. Ne craignez pas de parler de la lâcheté de Piso ou de la prétention de Plancina. Faites savoir sans crainte que ces corps trouvés hors des tombeaux, ces malédictions faites contre Germanicus, son nom gravé sur des plaques de plomb et toutes ces histoires d'enchantements et maléfices dont nous avons connaissance sont des preuves évidentes qu’on a attenté à sa vie. Proclamez que le poison a accompli ce que les charmes n'ont pas pu faire, et ne craignez pas d'être punis pour ce crime. La mort de Germanicus a procuré tant de joie à ceux qui l'ont causée qu'ils ne seront pas d’humeur à se soucier de votre tristesse ou de vos discours pendant longtemps. Leur victoire sur l'homme le plus vaillant qui ait jamais existé les rend suffisamment vaniteux pour négliger vos sentiments et les pensées que vous avez sur cette affaire. Je crois même qu'ils sont assez aveuglés par leur désir de gloire qu’ils acceptent que la postérité sache qu'ils ont causé la mort de Germanicus. Ils convoitent davantage la réputation de grands politiciens que celle d'hommes honorables. Tant qu'on dira qu'ils ont réussi à éliminer ceux qui auraient pu s'opposer à leur autorité, ils se fichent d'être considérés comme cruels, dénaturés, infidèles, malfaisants et sanguinaires. Leur priorité est de maintenir leur autorité, même s’ils doivent utiliser des méthodes brutales pour y parvenir. Traître Piso et lâches ennemis de Germanicus, on saura que vous avez dominé, on saura que vous l'avez tué, on saura que vous avez violé tous les droits humains, on saura que vous n'avez pas respecté le plus honorable sang parmi les Romains, on saura que vous avez éteint cette flamme parce qu'elle éclairait trop la noirceur de votre vie, et enfin, on saura que la surabondance de vos crimes et les mérites de Germanicus est la véritable cause de sa mort. 140