Germanicus eut vengé la mort de Varus et la perte de ses légions, retrouvé les enseignes perdues et semé la terreur parmi tous les barbares grâce à sa valeur et à son commandement, qu’a-t-il fait pour son intérêt personnel ? Qu’a-t-il fait pour sa gloire ? Devrais-je le dire, Romains ? Oui, disons-le pour son honneur et pour la honte de ses ennemis. Il a fait ériger un trophée magnifique avec une inscription simple indiquant que l'armée de Tibère avait dédié ces monuments à Mars, Jupiter et Octave pour la victoire qu'elle avait remportée contre les nations qui habitaient entre le Rhin et l'Elbe. Et tout cela, Romains, sans parler de lui, sans demander plus de mérite que le plus modeste soldat de l'armée qu'il commandait. Je ne vous raconterai pas en détail toutes les choses que Germanicus a accomplies, car l’histoire romaine vous les a déjà apprises, et la haine que certains ont nourrie à son égard devrait suffisamment vous montrer qu'il est digne de votre amitié. Ensuite, lorsque Tibère a jugé opportun que Germanicus revienne à Rome pour recevoir l'honneur pour cette conquête, ce noble et malheureux homme a bien compris que Tibère commençait à se sentir menacé par sa gloire et qu’il voulait l’éloigner des combats pour qu’il ne devienne pas plus prestigieux qu’il l’était déjà. Cependant, il a obéi. Abandonnant cette guerre inachevée qu'il désirait si utilement terminer pour vous et oubliant toute sa prudence, il a simplement écouté sa bienveillance. Vous l'avez vu, Romains, traverser Rome avec ses généraux en paradant, mais au même instant où vous versiez des larmes de joie, il y avait peut- être un criminel qui prédisait que vous verseriez bientôt des larmes de douleur sur les cendres de Germanicus. Vous savez aussi qu'on ne l'a pas rappelé chez lui pour lui permettre d'y rester. Au contraire, on l'a envoyé dans un lieu très éloigné, estimant que c'était judicieux, et même nécessaire pour le bien public, ou plutôt pour le bien de quelques individus, de l'exiler de Rome sous un prétexte absurde. Quoi qu'il en soit, Germanicus a fait ce qu'on attendait de lui. Il était aussi habile à remplir les intérêts des princes alliés du peuple romain qu'à combattre ses ennemis. Si le traître Piso et sa femme Plancina n'avaient pas accepté de prendre la responsabilité de son assassinat, il aurait été difficile pour ses ennemis de parvenir à leurs fins. Germanicus était tellement aimé de tous qu'il aurait été difficile pour ceux qui l'ont fait mourir de trouver d’autres alliés. Il connaissait l'opinion que les autres avaient de lui et l'estime qu'il avait acquise ne pouvait être remise en question. Chaque fois qu'il partait à la guerre, il avait l'habitude d'aller seul la nuit dans le camp, déguisé en simple soldat, pour écouter ce que ces hommes disaient de lui, non pas dans le but de rechercher des compliments sur sa vaillance, mais plutôt afin de s’informer de ses défauts pour s'améliorer. Voilà, Romains, quel homme était Germanicus. Son âme était noble et aimante et, quelle que soit la forme que la mort prenne, il la regardait avec un visage serein. Il a connu la tempête qui a dispersé son armée et fait échouer son navire contre des récifs, sans craindre autre chose que de voir périr les légions romaines. Après ce naufrage, on l'a vu prendre en charge toutes les pertes subies par les soldats qui ont survécu à la tempête. On l'a vu, tant 144