femmes m'ont depuis longtemps avertie qu'à l'encontre de la coutume et du savoir-vivre en vigueur aujourd'hui, il lui rendait souvent visite, même dans son cabinet. Cependant, comme je n'ai jamais pu m'abaisser à prêter attention à de telles choses et que par un excès de bonté, je ne soupçonne pas facilement les autres, j'ai écouté ces dires sans y accorder de crédit. Mais si tu souhaites les obliger à te résumer les nombreuses conversations qu'ils ont eues ensemble, je t’assure que tu ne trouveras pas de réponses précises. Et puis, où aurais-je obtenu du poison ? Qui l'aurait préparé ? D'où l’aurais-je fait venir ? Et pourquoi, si j'avais eu cette intention, aurais-je eu besoin d'impliquer cet homme ? N'était-il pas plus facile, lors des multiples rencontres où nous avons mangé ensemble, de t’empoisonner de ma propre main, sans me confier à qui que ce soit ? Pourquoi n'aurais-je pas tenté la chose dès ton retour de Laodicée, tout comme on prétend que je l'ai fait après ton retour de Rhodes, puisque Joseph m'avait alors révélé tes cruelles intentions ? Enfin, Hérode, toutes ces choses sont peu plausibles, et même l'esprit le moins intelligent voit bien que si je n'étais pas issue des rois de Judée, si je n'étais pas tempérante, je n'aurais pas tous ces ennemis. Or, il faut que je sois entourée de mes ennemis, car si je n'étais pas destinée à être en danger, je n'aurais pas envoyé mon portrait à Antoine, je n'aurais pas conspiré avec Joseph, je n'aurais pas cherché à te faire du mal, et ma propre sécurité serait donc garantie. Mais parce qu’elle est d'un sang trop prestigieux et que son âme est trop pure pour tolérer les complots et la lâcheté de ses ennemis, il faut que Mariamne meure, il faut qu'elle périsse, et qu'elle soit sacrifiée pour la haine de ses persécuteurs. Ils le veulent ainsi, et je m’y suis résolue. Ne pense donc pas, injuste et cruel Hérode, que je parle dans l'intention de te faire fléchir. Je cherche à préserver ma réputation et non à toucher ton cœur. Car, comme je l'ai dit au début de mon discours, ce n'est ni la crainte de la mort ni le désir de la vie qui me font épiloguer aujourd'hui. La première ne me ferait que perdre ma couronne, et l'autre ne m'apporterait que des supplices. Ce n'est pas parce que j'espère échapper au danger dans lequel je suis que j'ai décidé de me justifier. Je sais que mon arrêt de mort est signé, que mes bourreaux sont prêts à me couper la tête et que ma tombe est déjà ouverte pour me recevoir. Mais ce qui m'a poussée à agir ainsi, c'est que tous ceux qui m'écoutent puissent apprendre au monde que même mes ennemis n'ont pas pu, malgré toutes leurs machinations, porter atteinte à mon intégrité ni trouver un prétexte plausible pour me condamner. Si j'obtiens ce service de ceux qui m'écoutent, je mourrai presque sans douleur. Et je dirai absolument sans regret à mes chers enfants que je te laisse de s’exiler de la maison paternelle, car je ne doute pas, aussi honorables soient-ils, qu'ils s’attirent ta haine aussi bien que moi. Les plaintes qu'ils feront de ma mort constitueront des crimes contre toi : tu croiras qu'ils en voudront à ta vie en pleurant la perte de la mienne. Hélas, je les vois déjà maltraités par cette esclave qui fut ta première femme, je les vois soumis à l'humour violent de ton fils Antipater, à la calomnie de Salomé, aux outrages de Phéroas et à ta propre cruauté. Et peut-être que les mêmes bourreaux qui me feront 19