sort de tes mains n'y revient jamais. De plus, il est important de relever qu’il n’y a personne dans ton histoire qui ait refusé ce que tu lui avais donné parce que tu lui avais trop donné, et personne qui soit insatisfait parce que tu ne lui avais pas assez donné. Ta générosité est d'autant plus remarquable qu'elle n'est pas aveugle. Tu fais du bien à tout le monde, mais tu ne le fais pas sans discernement. Ce n’est pas tous les jours que tu distribues des dons au peuple, que tu jettes sans distinction les trésors au milieu de la foule et que seuls les heureux en profitent. L'élève d'Aristote sait utiliser les richesses et sait comment se rendre généreux de manière appropriée. Oui, Alexandre, tu as réconcilié la richesse avec la morale. Nous voyons des philosophes, des poètes, des musiciens, des peintres et des sculpteurs vivre dans l'abondance et travailler uniquement pour ta gloire et la leur. Nous voyons des philosophes mettre en pratique la politique qu'ils enseignent en gouvernant de vastes royaumes. Nous voyons des poètes porter à la fois une lyre en or et un carquois en bois d’ébène, chanter tes triomphes et gouverner des provinces. Nous voyons des musiciens dont les luths sont en ivoire n'utiliser leur voix que pour te remercier et parler de leur joie. Nous voyons des peintres aussi riches que l'étaient autrefois les princes souverains qui les faisaient travailler. Nous observons également des sculpteurs non seulement exploiter le marbre, le porphyre et l'albâtre pour leurs statues, mais posséder eux-mêmes des palais où toutes ces merveilles sont exposées. Enfin, toutes les belles sciences et tous les beaux-arts fleurissent sous ton règne. On dirait même que, comme les dieux ont accompli un miracle en toi, la nature a elle aussi créé des chefs-d'œuvre par amour pour toi. Tu as des Aristote, des Philoxène, des Xénophane, des Apelle et des Lysippe qui, en te surpassant en bonheur et en gloire, travailleront également pour les tiens. Tous les siècles futurs, en voyant les portraits que ces célèbres artistes laisseront de toi, que ce soit par leurs écrits, leurs tableaux ou leurs statues, ne pourront qu'envier le grand Alexandre. Toutes les personnes méritantes des époques ultérieures souhaiteront avoir été de ton temps. Tu seras le modèle des grands princes et la honte des médiocres, et tant qu'il y aura des hommes, on parlera de toi comme d'un dieu. Je ne m'étonne pas si notre grand Xerxès, avec tout son pouvoir, n'a pas pu accomplir la conquête de la Grèce, car puisque la Grèce devait t’engendrer, les dieux avaient raison de te réserver la conquête du monde. Si Xerxès avait réalisé ce qu'il avait entrepris, on l'aurait peut-être appelé le tyran et le fléau de l'univers, mais toi, tu es le prince légitime de tous les peuples que tu as conquis. Tu es envoyé du ciel pour le bonheur du monde, et ce n'était pas sans raison que l'oracle de Jupiter Ammon te disait que tu étais son fils. Non, Alexandre, on ne peut te surpasser ni en guerre ni en sagesse, et après la volonté que tu as accomplie aujourd'hui de remettre Darius sur le trône en le partageant avec sa fille Stateira, il ne te reste plus rien à faire, et il ne me reste plus rien à désirer que la persistance de ta gloire. Je ne crains pas que l'on puisse te priver de celle-ci. Non, ce sentiment-là n'est pas présent dans mon cœur. Mais je crains que l'injustice des hommes les rende indignes de t’avoir comme maître, ou que la jalousie des dieux les pousse à te rappeler 32