plus de gloire à les porter sans verser de larmes qu'à verser mon sang par faiblesse ou désespoir. Les personnes qui trouvent leur satisfaction en eux-mêmes quittent le trône avec moins de regrets que les autres, car s’ils ne trouvent rien dans leur âme qui les contente, ils sont contraints de chercher leur bonheur dans des choses extérieures. Vous me demanderez peut- être ce qui reste à des princesses qui ont perdu l'empire et la liberté. Et je vous répondrai avec discernement que puisque les dieux ont voulu vous donner une bonne raison d’utiliser votre courage, vous êtes obligées d'en faire bon usage et de montrer au monde entier, par votre patience et votre intégrité, que vous étiez dignes du sceptre qui vous a été enlevé et que les chaînes qui vous ont été mises sont indignes de vous. Voilà, mes filles, ce qu'il vous reste à faire. Et si vous êtes touchées par mon exemple et mes raisons, vous trouverez que la vie peut encore être douce et glorieuse pour vous. Vous avez au moins l'avantage que votre situation actuelle ne peut pas devenir pire. Donc, si vous pouvez vous y habituer, rien ne pourra troubler votre repos. Souvenez-vous qu'il y a des millions d'hommes dans le monde et qu'il n'y en a pas cent qui portent des couronnes. Croyez-vous, mes filles, que tous ces hommes soient malheureux et qu'il n'y ait aucun bonheur en dehors du trône ? Si c'était le cas, vous êtes remplies d’illusions. Il n'y a aucune condition dans la vie qui n'a pas ses peines et ses plaisirs, et la véritable sagesse consiste à bien utiliser tout ce que vous pouvez quand le destin vous met à l’épreuve. Ceux qui se donnent la mort ne savent pas que tant qu'on est vivant, on est en mesure d’obtenir la gloire. Il n'y a aucun tyran qui puisse m'empêcher de rendre mon nom immortel tous les jours, pourvu qu'il me laisse vivre et que je sois honorable. Même si je ne disais rien et endurais une douleur constante, mon silence continuerait à exprimer ce que je ressens. Donc vivons, mes filles, puisque nous le pouvons, et il nous reste encore des moyens de montrer notre grandeur d’âme. Le sceptre, le trône et l'empire que nous avons perdus ne nous ont été donnés que par le destin, mais la constance vient directement des dieux. C'est de leur main que je l'ai reçue, et c'est pourquoi vous devez l’avoir. C'est le véritable signe des héros, tandis que le désespoir est propre aux faibles ou aux inconscients. Ne vous préoccupez donc pas de ce que la postérité dira de moi, et ne craignez pas que le jour du triomphe d'Aurélien fane toutes mes victoires, car c'est le plus glorieux de ma vie. De plus, j'ai entendu qu'Aurélien a raconté notre histoire au Sénat, ce qui la fera connaître à nos successeurs. Conservez-la, mes filles, afin que lorsque je ne serai plus là, le souvenir de ce que j'ai été vous oblige à être toujours ce que vous devez être. Voici les mots qu'Aurélien a utilisés dans ses paroles : « J'ai appris qu'on me reproche d'avoir fait quelque chose de peu digne d'un grand courage en triomphant de Zénobie, mais ceux qui me critiquent ne se rendent pas compte des louanges à me donner s'ils savaient qui était cette femme. Combien elle était avisée dans ses conseils, combien elle se montrait courageuse et persistante dans son attitude, combien elle était impérieuse et grave envers les hommes de guerre, combien elle était généreuse lorsque ses affaires l'exigeaient, et combien elle était sévère et rigoureuse quand la nécessité l'y contraignait. Je peux affirmer que 47