qui ne me connaissent pas. Mes ennemis qui voient ma souffrance affirmeront sans doute que je pleure autant les faveurs de l'Empire que celles de Titus, et que l'ambition a plus de place dans mon âme que l'amour. Mais s'il est vrai que tu m’aimes autant que tu me l’as dit, tu jugeras de mes sentiments à travers les tiens et tu comprendras que toi seul es la cause de ma douleur, tout comme tu as été la source de mon bonheur. Non, Titus, la magnificence de Rome ne m'éblouit pas. Le trône qui t’attend n'a rien à voir avec l'affection que j'ai pour toi. Les qualités de ton âme et l'amour que tu as eu pour moi sont les seules choses que j'ai prises en compte lorsque j'ai décidé de t’aimer. Alors, épouse une personne avec qui partager la souveraineté que tu auras un jour sans craindre que je t’en veuille, mais ne partage jamais le cœur où tu m’as fait régner. C'est un empire qui m'appartient et que tu ne pourras pas me retirer si injustement. Mon cher Titus, tu ne peux pas m'accuser de t’en demander trop. Je ne te demande que ce que tu m’as déjà donné. Tu ne peux pas prétendre que ce cœur n'est pas sous ton contrôle, qu'il est entre les mains de Vespasien ou sous l'emprise du Sénat, et que tu n’en es pas le maître. Même les esclaves, aussi opprimés qu'ils puissent être, jouissent de ce privilège. Ils aiment et haïssent qui bon leur semble, et leur volonté est aussi libre dans les chaînes que s’ils étaient sur le trône. Donc, tu savoures sans aucun doute la même liberté et ne me refuseras pas la faveur que je te demande. Tu donneras une femme à Titus pour satisfaire le caprice du peuple, mais tu ne donneras pas de rivale à Bérénice. Je serais seule dans ton âme, tout comme tu es seul dans la mienne, et même éloignée de toi, je serai toujours présente dans ton esprit. Si tel est le cas, je supporterai mon exil avec patience. Cependant, comment pourrais-je seulement imaginer vivre sans te revoir un jour ? Non, Titus, c'est absolument impossible. Mon destin est indissociable du tien, et quoi que Vespasien et l'autorité du Sénat puissent faire, je ne peux pas te quitter. Ce serait de la faiblesse de t’abandonner. Tu pourrais me reprocher que la crainte d'être maltraitée m'ait fait obéir trop rapidement à l'ordre de quitter Rome ou tu pourrais finalement m'accuser de manquer d'affection à ton égard. Non, je ne connais pas ces sentiments, car ce serait de l'ingratitude d'agir ainsi. Il ne faut pas que je te coûte l'Empire. Préserve-le donc et laisse-moi partir. C'est suffisant pour moi si tu me regrettes. Et lorsque tu accèderas au trône, souviens- toi simplement que la possession de celui-ci t’aura coûté Bérénice. Titus, il y a quelque chose de bien étrange dans notre situation. Comment peut-on penser que les Romains, qui se préparent déjà à te reconnaître comme maître de toute la terre, veuillent t’imposer leur volonté dans une affaire si importante pour toi et si insignifiante pour eux ? Et comment se fait-il que ces mêmes personnes, sur lesquelles tu auras un pouvoir absolu, dont tu disposeras des biens et des vies ne puissent pas supporter que tu m’aimes ? Suis-je une ennemie ou une sauvage pour les Romains ? Éprouvent-ils de la jalousie ou de la haine envers moi ? Craignent-ils que je te pousse à reconstruire les murs de Jérusalem ? Ai-je entrepris quelque chose contre le bien public ou ai-je offensé chacun d'entre eux individuellement ? Non, 59