je ressens est d’une douleur atroce. Cyrus, rappelez-vous lorsque la passion injuste d'Araspe m’a donné une raison légitime de me plaindre, et si j'avais choisi la mort, j'aurais préservé la vie d'Abradate, assuré mon honneur et vous n'auriez pas eu de motif pour accuser un homme que vous respectiez et qui vous était cher. J'aurais satisfait mon mari, ma propre gloire et le grand Cyrus. J’aurais dû le respecter en ne me plaignant pas de son ami. Si j'avais été raisonnable, la mort m'aurait empêchée de me lamenter à cette époque et de pleurer aujourd'hui. Mais le destin en avait décidé autrement. Que les dieux veuillent bien que dans cette tragédie aussi sombre que la mort d'Abradate, je puisse montrer à la postérité que Panthée était la digne épouse d'Abradate et qu'elle n'était pas indigne de la protection de Cyrus. Je vois bien par la splendeur des ornements que vous m'avez envoyés que vous avez l'intention de célébrer les funérailles de mon cher Abradate. Mais maintenant, sa gloire est la seule chose à laquelle je puisse prêter attention. Faites, grand Cyrus, en érigeant un monument somptueux et en inscrivant la vérité, que la postérité puisse savoir qui était Abradate. Immortalisez ensemble votre gloire, la sienne et mon malheur. L'or et le marbre que vous exploiterez ne seront pas inutiles, et le tombeau que vous élèverez pour immortaliser Abradate vous immortalisera également. Il y a plus de gens capables d'accomplir une belle action que de personnes qui savent la reconnaître et la mettre en évidence comme il se doit. N'ayez pas cette jalousie que la gloire donne aux plus puissants, croyez que les dieux veilleront sur la vôtre si vous veillez sur celle d'Abradate. Le sang qu'il a versé pour vous mérite cette reconnaissance, c'est pourquoi je n'ai aucun doute sur votre approbation concernant cette requête. Je vois que vous me l'accordez et votre bonté me contraint à vous exprimer ma gratitude. Cependant, j'ai encore une faveur à vous demander, Cyrus. Avant de procéder aux funérailles de mon cher Abradate, je souhaite avoir encore un peu de temps pour laver ses blessures avec mes larmes. Je vous prie, Cyrus, de ne pas précipiter les choses. Je ne tarderai pas à lui faire mes adieux. De plus, il est juste que, étant mort pour moi, je verse autant de larmes qu'il a versé de sang, et que ne pouvant plus le revoir en ce monde, je profite de sa présence aussi longtemps que possible. Oui, Cyrus, son corps qui est tout à la fois déplorable et affligeant est le seul bien qui me reste. Il incarne à la fois mon désespoir et ma consolation. Je ne peux le voir sans mourir, et pourtant je mourrai dès que je ne le verrai plus. C'est pourquoi je vous demande de ne pas me presser. Quant à votre volonté de savoir où je souhaite aller, je vous promets que vous connaîtrez bientôt le lieu que je choisirai pour ma retraite. Effet de ce discours Malheureusement, la détresse de cette tragique reine était bien réelle. À peine avait-elle trompé Cyrus en lui faisant croire qu'elle serait capable de vivre après la perte d'Abradate, cette tromperie étant l’objectif de son discours, qu'elle choisit sa retraite, c'est-à-dire le tombeau de 68