on n'entend les prédictions qu'une fois les événements survenus n'est pas un don du ciel. Dieu n'a jamais créé quelque chose d'inutile dans le monde, et pourtant l'astrologie judiciaire est si incertaine qu'elle me pousse davantage à croire en sa faillibilité. Qui a donc profité des prophéties qui lui ont été faites ? Ou mieux encore, qui les a entendues ? Le hasard, qui dirige la vision de ces astronomes, leur permettant de réaliser sans penser à ce qu'ils n’avaient pas pu faire avec tous leur savoir, est sans aucun doute ce qui produit parfois ces rencontres miraculeuses entre les prédictions et les événements qui établissent la réputation de cette science. Mais le plus souvent, il faut plus d'intelligence à ceux qui corrèlent les événements aux prédictions qu'aux plus grands maîtres de cet art. Lorsque Léontius a dit à Eudoxie, avant de mourir, qu'elle serait plus riche que ses frères, c'était plutôt un éloge que cet homme bienveillant faisait à sa beauté et à sa sagesse qu'une assurance de l'Empire. Et en vérité, s'il avait prévu que la couronne qu'elle porte aujourd'hui serait sur sa tête, il aurait été peu judicieux de faire attention à partager trois ou quatre pieds de terre entre ses fils, car il était tout à fait probable que si elle devenait impératrice, elle ne laisserait pas ses frères dans la pauvreté et que par conséquent l'héritage paternel leur serait inutile. Non, Flavien, c'est moi seule qui ai fait d'Eudoxie l'impératrice d'Orient. Je lui pardonne néanmoins son manque de reconnaissance et je souhaite de tout mon cœur qu'elle utilise enfin le talent que le ciel lui a accordé. Elle est sans aucun doute dotée de grandes qualités, et si elle ne cherchait qu'à régner sur elle-même, elle serait l'émerveillement de son siècle. Elle récolterait plus de palmes dans la cour que de gloire dans la gouvernance des affaires et elle y trouverait plus de bonheur. Quant à moi, mon père, étant d'une autre nature, je me conformerais volontiers à l'ordre qui m'est donné en rejoignant ces vierges dont le seul souci est d'élever leur cœur vers Dieu. Je crois que Théodose et l'impératrice pourraient avoir besoin de mon aide, mais connaissant leur caractère, il est mieux que je me retire dans la solitude et leur laisse la liberté d'agir selon leur fantaisie. Que Dieu veuille que la renommée ne m'apprenne rien à leur détriment. Je serais heureuse que leur conduite démontre que ma relation avec Théodose n'a pas été néfaste et que le choix que j'ai fait en faveur d’Eudoxie n’a pas été mauvais. Cependant, Flavien, faites en sorte que l'empereur sache que je renonce sans me plaindre à la part de domination qu'il m’a donnée, que je l'ai acceptée uniquement pour son soulagement et sa gloire, et que je la lui remettrai volontiers dès qu’il voudra la reprendre. Mais qu'il se souvienne que lors de mon départ son empire est en paix, que tous ses sujets l'aiment, que tous ses voisins le craignent, que l'abondance règne dans toutes ses villes, que l’éthique se manifeste dans toutes les familles, que le mal y est presque inexistant, que sa cour, à l'exception de Chrysaphios, ne compte pas de flatteurs, que le peuple est sans arrogance, que les grands sont sans orgueil et que la piété règne dans tous les temples de son empire. Qu'il se souvienne, Flavien, que ma décence est passée de mon cœur au sien et de là dans le cœur de tous ses sujets, afin que mon souvenir ne lui soit pas pénible et que, si par hasard il arrive qu'il me rappelle un 99