Il se fit que Steinar, au début de l'hiver, se rendit sur la plage de Snæfell et y resta un certain temps. Là, il rencontra un esclave nommé Thrand, qui était grand et fort parmi les hommes. Steinar, désireux de l'acheter, proposa une grosse somme d'argent : mais son propriétaire l'estimait à trois marcs d'argent, soit le double du prix d'un esclave ordinaire, et c'est à ce prix que la transaction fut conclue. Steinar ramena Thrand chez lui et lorsqu'ils arrivèrent, Steinar s'entretint avec Thrand : "Maintenant, il se trouve que j'aurai besoin de ton travail. Mais comme tout le travail est déjà réparti, je vais te confier une tâche de peu d'efforts : tu devras veiller sur mon bétail. Je tiens à ce qu'ils soient bien gardés au pâturage. Tu ne devras suivre les directives de personne d'autre que toi-même, les amenant là où le pâturage sur la lande est le meilleur. Je ne saurais juger de la vaillance d'un homme par son apparence si tu n'as pas le courage et la force de tenir tête à n'importe quel domestique de Thorstein." Steinar remit à Thrand une grande hache, dont la lame avait une longueur d'ell, elle était aiguisée comme un rasoir. "Je pense ceci de toi, Thrand," dit Steinar, "que tu ne craindrais pas le prêtre Thorstein si vous étiez face à face." Thrand a répondu : "Je ne dois, à mon avis, aucun devoir à Thorstein ; et il me semble que je comprends quel travail tu me proposes. Tu penses que tu risques peu là où je suis ; et je crois que je m'en sortirai bien si Thorstein et moi mesurons nos forces." Après cela, Thrand prit en charge le bétail. Il comprit, peu de temps après son arrivée, où Steinar avait fait emmener son bétail, et il resta avec eux sur le Stack-moor. Lorsque Thorstein en fut informé, il envoya un domestique à la recherche de Thrand, lui ordonnant de lui indiquer la frontière entre ses terres et celles de Steinar. Lorsque le domestique arriva, il lui expliqua sa mission et lui demanda de déplacer le bétail ailleurs, affirmant que ces terres appartenaient à Thorstein Egilsson. Thrand répondit : "Je ne me soucie guère de qui possède ces terres ; j'emmènerai le bétail là où les pâturages me semblent les meilleurs." Puis ils se séparèrent : le domestique rentra chez lui et fit part de la réponse de l'esclave à Thorstein. Ce dernier laissa les choses en l'état et Thrand passa son temps, jour et nuit, à veiller sur le bétail. Chapitre 86 - Le meurtre de Thrand. Un matin, Thorstein se leva au lever du soleil et monta sur la colline. Il vit où se trouvait le bétail de Steinar. Alors, Thorstein se rendit sur la lande jusqu'à l'endroit où se trouvait le bétail. Il y avait un rocher recouvert de forêt près du ruisseau Hafs : c'est là que Thrand était allongé, endormi, ayant ôté ses chaussures. Thorstein grimpa sur le rocher: il avait une petite hache à la main, et aucune autre arme. Avec le manche de la hache, il réveilla Thrand, et lui ordonna de se réveiller. Thrand se leva rapidement et soudainement, saisit sa hache à deux mains et la leva en l'air, et demanda à Thorstein ce qu'il voulait. Il répondit, "Je voulais te dire que cette terre m'appartient ; ta pâture est de l'autre côté du ruisseau. Il n'est pas surprenant que tu ne connaisses pas encore les repères ici." Répondit Thrand, "Peu importe à qui appartiennent ces terres : Je vais laisser le bétail rester là où il veut." "Il est probable," répliqua Thorstein, "que je préfère prendre mes propres décisions sur mes terres, et non celles des esclaves de Steinar." Thrand répondit, "Tu es bien plus stupide, Thorstein, que je ne le pensais, si tu choisis de passer la nuit sous ma hache et de risquer ainsi ton honneur. Si je comprends bien, j'ai deux fois ta force ; ni le courage ne me fait défaut : et je suis aussi mieux armé que toi." Thorstein répliqua : "Je prendrai ce risque si tu ne respectes pas ma consigne concernant la pâture. J'espère que notre chance peut varier autant que la justice de nos causes." Thrand dit : "Maintenant tu vas voir, Thorstein, si je crains tes menaces." Et sur ces mots, Thrand s'assit et remit sa chaussure. Mais Thorstein leva rapidement sa hache, et frappa au cou de Thrand si fort que sa tête tomba en avant sur sa poitrine. Puis, Thorstein empila quelques pierres pour couvrir son corps, une fois cela fait, il rentra à Borg.