Lord Thorir s'apprêta à s'y rendre. Il convoqua Arinbjorn pour lui parler. « Maintenant, dit-il,
je vais aller au sacrifice, mais je ne veux pas qu'Egil y aille. Je connais l'art de Gunnhilda, l'impétuosité d'Egil,
le pouvoir du roi ; il ne serait pas facile de surveiller tout cela à la fois. Mais Egil ne se laissera pas entraver,
sauf si tu restes en arrière. Maintenant, Thorolf et le reste de sa compagnie viendront avec moi ;
Thorolf offrira le sacrifice et priera pour le bonheur de son frère ainsi que pour le sien. »
Sur ce, Arinbjorn dit à Egil qu'il prévoyait de rester à la maison ; « et tu seras avec moi », dit-il.
Egil accepta que cela se passe ainsi.
Mais Thorir et les autres allèrent au sacrifice, et il y avait là une très grande foule, il y avait beaucoup d'alcool. Thorolf suivait Thorir partout où il allait, et ils n'étaient jamais séparé le jour et la nuit.
Eyvind informa Gunnhilda qu'il n'avait pas eu d'occasion de s'attaquer à Thorolf. Elle lui demanda alors de tuer l'un des hommes de Thorolf plutôt que de laisser tout échouer.
Un soir, alors que le roi, Thorir et Thorolf étaient allés se reposer, mais que Thorfid et Thorvald étaient encore debout, les deux frères Eyvind et Alf vinrent s'asseoir à côté d'eux, et ils étaient très joyeux. D'abord, ils buvaient ensemble ; mais peu à peu, chaque verre se partageait entre deux, Eyvind et Thorvald buvant ensemble, ainsi que Alf et Thorfid.
Mais alors que le soir se prolongeait, il y eut des excès de boisson ; suivirent des échanges de mots, puis des insultes. Alors Eyvind se leva, dégaina une épée, et frappa Thorvald, lui infligeant une blessure mortelle. Aussitôt, les hommes du roi et les domestiques de Thorir se levèrent. Mais tous étaient sans armes car ils étaient en terres sacrées. Des présents intervinrent pour séparer les plus furieux ; et rien d'autre ne se passa ce soir-là.
Eyvind avait tué un homme sur un sol sacré ; il fut donc maudit, et dut partir à l'étranger sur-le-champ. Le roi proposa une amende pour l'homme tué ; mais Thorolf et Thorfid dirent qu'ils n'avaient jamais accepté une amende pour un homme, et qu'ils n'accepteraient pas celle-ci. Sur ce, ils se séparèrent. Thorir et sa compagnie rentrèrent chez eux. Le roi Eric et Gunnhilda envoyèrent Eyvind au sud, en Danemark, chez le roi Harold Gormsson, car il ne pouvait plus rester en territoire norvégien. Le roi le reçut lui et ses camarades très bien : Eyvind amenait au Danemark un grand navire de guerre. Il le nomma alors gardien de sa côte contre les pirates, car Eyvind était un très bon guerrier.
Au printemps suivant cet hiver, Thorolf et Egil s'apprêtaient de nouveau à partir en pillage. Et quand ils furent prêts, ils prirent à nouveau le chemin de l'Est. Mais quand ils arrivèrent à Vik, ils naviguèrent alors au sud le long du Jutland, et y pillèrent ; ils allèrent ensuite en Frise, où ils restèrent une grande partie de l'été ; puis ils revinrent au Danemark. Mais lorsqu'ils arrivèrent à la frontière entre la Frise et le Danemark, et qu'ils s'arrêtèrent près de la terre, un soir, alors qu'ils se préparaient à dormir à bord du bateau, deux hommes vinrent vers le bateau d'Egil, disant qu'ils avaient une mission pour lui. Ils lui ont été amenés. Ils dirent qu'Aki le Riche les avait envoyés là avec ce message : « Eyvind Skreyja est en mer, devant la côte du Jutland, et il compte vous tendre une embuscade quand vous reviendrez du sud. Et il a rassemblé une telle force que vous ne pourrez y résister si vous vous la heurtez en une fois ; mais lui-même n'a avec lui que deux petites embarcations, et il est déjà là, tout près de vous. »
Mais quand ces nouvelles parvinrent à Egil, lui et ses hommes démontèrent immédiatement leurs tentes. Il leur demanda d'avancer sans bruit ; ils le firent. Ils arrivèrent à l'aube là où Eyvind et ses hommes étaient à l'ancre ; ils les attaquèrent aussitôt, lançant pierres et lances. Beaucoup des hommes d'Eyvind tombèrent sur place ; mais lui-même sauta par-dessus bord et se sauva à la nage, tout comme tous ses hommes qui échappèrent au massacre. Mais Egil s'empara de ses navires, de ses cargaisons et de ses armes.