inquiétudes. Il lui demande s'il n'est point arrivé quelque malheur à Arsace ou à sa maison. Oui, répond Achémènes; mais je veux vous en informer en particulier. Tout le monde s'étant retiré, il lui raconte tout en détail. Que Théagènes, fait prisonnier par Mitranes, lui a été envoyé à Memphis, pour le faire conduire à la cour du grand roi, s'il l'eût jugé à propos; que ce jeune homme étoit digne d'être présenté au monarque, et de le servir; que les Besséens avoient tué Mitranes, et avoient enlevé son prisonnier, qui étoit venu ensuite à Memphis. Il lui parle aussi de Thyamis; enfin, il expose l'amour d'Arsace pour Théagènes, le séjour de celui-ci dans le palais, les bons traitemens qu'il éprouve; qu'il sert Arsace, qu'il est son échanson: il ajoute que, grâce à la résistance et à la fermeté du jeune étranger, son honneur est encore intact; mais qu'il est à craindre que la violence et le tems ne le subjuguent, si on ne l'enlève promptement de Memphis, et si on n'ôte de devant les yeux d'Arsace l'aliment de sa flamme; qu'il s'est secrètement échappé pour venir lui annoncer toutes ces intrigues, son zèle pour son maître ne lui permettant pas de garder un coupable silence. Lorsqu'il voit Oroondates outré d'indignation et de colère, brûlant du désir de la vengeance, il enflamme son amour par le portrait qu'il lui fait de Chariclée, dont il vante les charmes et les attraits. Il la compare aux déesses; il lui assure que jamais il n'a vu et que jamais il ne verra de beauté pareille. Parmi les femmes qui vous suivent, ajoute-t-il, ou parmi celles qui sont restées à Memphis, il n'en est point qui puisse lui être comparée. Achémènes ajoute encore beaucoup d'autres choses, dans l'espérance d'obtenir Chariclée pour prix de sa fidélité, quand même Oroondates la mettroit au nombre de ses femmes. La colère, l'amour s'emparent de l'ame du Satrape. Il envoie aussitôt Bagoas, le plus fidèle de ses eunuques, à Memphis, avec cinquante cavaliers, et lui ordonne de lui amener sur-le-champ Théagènes et Chariclée, en quelqu'endroit qu'ils se trouvent: il lui remet aussi deux lettres, une pour Arsace, conçue en ces termes: Oroondates à Arsace. «Envoyez-moi Théagènes et Chariclée; ils sont prisonniers et esclaves du roi, je les ferai passer à la cour: envoyez-moi-les de bon gré, ou je les ferai enlever de force: j'ajouterai toujours foi aux rapports d'Achémènes». L'autre étoit adressée à Euphrastes, le chef des eunuques à Memphis; en voici le contenu: «Vous me rendrez compte de la négligence avec laquelle vous veillez à ce qui se passe dans mon palais. Remettez les deux prisonniers grecs à Bagoas, pour me les amener; soit qu'Arsace y consente, soit qu'elle n'y consente pas, livrez-les-lui; sans quoi j'ai donné ordre de vous charger de chaînes, de vous conduire ici, pour vous dépouiller de votre dignité, et vous écorcher tout vif.» Bagoas part avec son escorte. Arrivé à Memphis, il montre l'ordre du Satrape, pour prouver sa mission, et se faire remettre les deux jeunes gens. Cependant Oroondates