guerriers. Je ne vous rendrai pas ces deux étrangers; ils sont aujourd'hui mes esclaves; bientôt, comme l'ordonnent les lois de notre empire, ils seront envoyés au grand roi mon frère. Parlez, discutez à loisir sur la nature du juste, de l'utile, de l'honnête; la puissance ne connoît rien qui puisse la contraindre; notre volonté tient lieu de tout. Sortez au plus tôt de mon palais, de peur que je ne vous en fasse chasser. Thyamis sort, prenant les dieux à témoin, et déclarant que cette affaire aura une issue funeste. Il veut en instruire les habitans de Memphis, et réclamer leur secours. Votre sacerdoce n'est rien pour moi, lui dit Arsace; l'amour n'en reconnoît qu'un, c'est la jouissance. En même-tems elle se retire dans sa chambre, fait venir Cybèle, et délibère avec elle. Achémènes ne paroissoit plus; elle soupçonnoit qu'il étoit parti; elle questionnoit Cybèle, et lui demandoit où étoit son fils. Celle-ci apportoit différentes causes de son absence, et ne cachoit que la véritable: elle ne put cependant en imposer jusqu'à la fin, la princesse commençoit à se défier d'elle. Cybèle, lui dit-elle alors, que ferons- nous? quel remède aux maux qui m'assiègent. L'ardeur de mon amour ne se rallentit point; c'est une flamme dévorante dont l'activité ne fait que s'accroître. Théagènes est inflexible, rien ne peut le toucher; il a paru d'abord moins impitoyable: il calmoit mes feux par des promesses vaines, il est vrai; mais aujourd'hui il ne se déguise plus, il me refuse ouvertement. Une chose augmente encore mes tourmens; je crains qu'il ne soit instruit du départ d'Achémènes, et qu'il ne craigne encore plus de me satisfaire. Achémènes sur-tout me désespère; il est allé trouver Oroondates; peut-être va-t-il le prévenir contre moi, ou me calomnier auprès de lui. Si je voyois seulement Oroondates.... Non, il ne résisteroit pas aux larmes ni aux caresses de son épouse: les regards d'une femme ont bien du pouvoir sur les hommes; mais le comble du malheur pour moi seroit d'être accusée avant d'avoir rien obtenu de Théagènes; et, si je suis accusée, d'être punie, si Oroondates ajoute foi aux rapports qu'on lui fera. O Cybèle! n'épargne rien, emploie tout; tu vois le précipice ouvert sous mes pas: le moment critique est arrivé.[57] Songes que si je me vois perdue, je n'épargnerai personne: tu seras la première victime de la perfidie de ton fils. Je ne puis comprendre comment tu ignores ses projets. Princesse, lui répond Cybèle, la conduite de mon fils vous est suspecte, vous doutez même de mon attachement; le tems vous détrompera; vous ne connoissez vous-même que les ménagemens. Vous êtes foible, pusillanime; vous vous en prenez à ceux qui ne sont coupables de rien. Vous ne parlez point en maîtresse; vous semblez une esclave qui ne sait employer que les caresses. Ces moyens pouvoient être bons, tant que nous avons cru son ame sensible et encore neuve; mais puisqu'il dédaigne votre amour, qu'il éprouve votre puissance, que les coups de fouet, que les tourmens le rendent docile à vos volontés: naturellement rebelle aux caresses, la jeunesse cède à la violence, et la douceur obtiendra de Théagènes ce que la rigueur ne peut obtenir. Hélas! répond Arsace, tu as peut-être raison; mais.... Dieux! moi..... soutenir le spectacle de ce corps maltraité, déchiré!—Toujours la même foiblesse! ne dépendra- t-il pas de lui, après quelques mauvais traitemens, de les faire cesser? Quelques momens de chagrin ne vous mettront-ils pas au comble de vos vœux? D'ailleurs,