malheureuse et toujours errante; de mettre fin aux poursuites implacables de la fortune. Elle avoit dit le dernier adieu à son amant, l'avoit embrassé pour la dernière fois. Accoutumée à porter secrètement le collier exposé avec elle, elle l'avoit alors autour de ses reins, sous sa robe, comme un ornement destiné à parer son tombeau. C'étoit d'après cette convention, qu'elle avouoit tout ce dont elle étoit accusée, qu'elle disoit avoir donné la mort à Cybèle, et se faisoit même plus coupable qu'elle n'étoit. Les juges furieux, sont prêts à la condamner à un supplice cruel et digne des Perses. Mais touchés peut-être de la beauté, de la jeunesse, des charmes de l'accusée, ils la condamnent au feu. A l'instant les bourreaux la saisissent, la conduisent à quelque distance des murs. Les cris réitérés d'un hérault, annoncent son crime et son châtiment. Une multitude innombrable de peuple la suit. Les uns l'avoient vue emmener, et le brait s'en étant répandu dans la ville, la curiosité y avoit mis tout le monde en mouvement. Arsace arrive et se place sur les murs pour la considérer. Il eût été cruel pour elle de ne point rassasier ses yeux d'un pareil spectacle. Les bourreaux construisent un vaste bûcher. Déjà la flamme s'élève dans les airs. Chariclée demande à ceux qui la conduisent, de la quitter quelques momens, leur promet de monter elle-même sur le bûcher. Elevant alors les mains au ciel, et tournant ses regards vers le soleil: O soleil! s'écrie-t-elle, ô terre! ô dieux du ciel et des enfers! vous qui voyez et punissez les coupables, vous êtes témoins que je suis innocente du crime qu'on m'impute; mais je reçois volontiers un trépas qui me soustrait aux coups de la fortune. Recevez-moi favorablement; mais punissez l'impure Arsace, cette exécrable furie, dont la honteuse passion ne veut que m'arracher des bras de mon époux. A ces mots, on pousse de grands cris. Les uns désirent, les autres demandent hautement, qu'on instruise une seconde fois son procès, avant de lui faire subir son châtiment; mais Chariclée les prévient, s'élance sur le bûcher, se place au milieu, et y reste long-tems sans recevoir aucun mal. La flamme coule autour d'elle plutôt qu'elle n'en approche; elle la respecte et se retire par-tout où elle se présente. Chariclée brille au milieu des feux, dont l'éclat ajoute encore à celui de sa beauté: elle semble une jeune épouse couchée sur un lit de flammes. Etonnée d'un pareil prodige, et appelant la mort, elle se jette tantôt d'un côté, tantôt de l'autre; mais c'est en vain: les flammes se retirent et semblent fuir devant elle. Cependant l'ardeur des bourreaux ne se rallentit point; ils redoublent d'activité. Effrayés des signes menaçans d'Arsace, ils ne cessent d'entasser du bois, des roseaux sur le bûcher, et d'exciter les flammes le plus qu'ils peuvent. Tous leurs efforts sont inutiles. Le tumulte s'accroît parmi les spectateurs. Persuadés que les dieux eux-mêmes se déclarent pour Chariclée, ils s'écrient qu'elle est pure et innocente; ils s'approchent du bûcher, en écartent les bourreaux. Thyamis, le premier, invoque le secours de la multitude. Les clameurs l'avoient averti de ce qui se passoit, et l'avoient appelé. Ils veulent sauver Chariclée; mais n'osant approcher du bûcher, ils l'exhortent à s'élancer elle-même hors des flammes. Ils lui disent que, puisqu'elle vit au milieu du feu, elle peut en sortir sans crainte. Chariclée, voyant un pareil