leur présente quelque moyen de salut. Oroondates promet de renoncer à tout ce qui avoit été la cause de cette guerre; d'abandonner la ville de Philes, et les mines de diamans; il demande de ne point être traité avec rigueur, mais la liberté de s'en aller avec sa garnison, il ajoute qu'Hydaspe montrera son humanité dans toute son étendue, en ne l'inquiétant point, mais en le laissant se retirer avec ses troupes à Eléphantine; que d'ailleurs il lui est indifférent de périr ou de n'échapper du danger présent, que pour perdre la vie par les ordres du roi de Perse, qui ne manquera pas de l'accuser d'avoir livré ses guerriers; que même il aime mieux périr d'un genre de mort ordinaire, que d'expirer victime de la barbarie d'un prince cruel, qui plaira à imaginer des tourmens pour le faire souffrir davantage. Il prie encore les Ethiopiens de recevoir dans leurs barques deux Perses, pour les envoyer à Eléphantine, promettant de se rendre, si ceux qui s'y trouvoient, vouloient recevoir la loi du vainqueur. Les députés se retirent, emmènent avec eux deux Perses, et rapportent tout à Hydaspe. Ce prince ne put s'empêcher de rire de la folie d'Oroondates, qui vouloit discuter les conditions dans un moment où sa vie et sa mort dépendoient d'un autre. Il ne faut pas cependant, dit-il, que tant de gens soient victimes de l'extravagance d'un seul. Il laisse aller à Eléphantine les deux Perses envoyés par Oroondates, sans rien redouter de ce que pourroient entreprendre les troupes rassemblées dans cette ville. Il ordonne ensuite de fermer l'embouchure par laquelle les eaux du Nil couloient dans le canal, et de pratiquer un écoulement dans les retranchemens, afin que les eaux du fleuve ne venant plus dans le canal, celles qui y étoient, se retirant, le terrein séchât autour de la ville, et s'affermit sous les pas. Les Ethiopiens obéissent à leur roi, et mettent à l'instant la main à l'œuvre; mais la nuit, qui survint, les obligea d'interrompre leurs travaux, et de remettre au lendemain à les achever. Cependant, les assiégés n'oublient rien pour se mettre à l'abri du danger. Trompés agréablement dans leur attente, ils ne désespèrent plus de leur salut. Les uns continuent de creuser le souterrain: déjà ils approchent des retranchemens des ennemis; ils mesurent de l'œil l'espace qui les en sépare, et jugent qu'ils n'ont plus à creuser que la longueur d'un schœnix; d'autres relèvent, à la lueur des flambeaux, la partie du mur écroulée; les pierres éboulées dans la ville leur fournissent des matériaux suffisans pour ce travail. Ils se croyoient en sûreté, lorsqu'un accident vint jeter la terreur parmi eux. Vers le milieu de la nuit, une partie du retranchement, que les Ethiopiens avoient commencé à percer le soir, s'éboula tout-à-coup; soit que la terre ramassée en cet endroit, fût molle et sans consistance, et qu'étant abreuvée d'eau, elle se fût affaissée; soit que les ennemis, en détachant de la terre du parapet, l'eussent rendu trop foible pour résister à là masse des eaux, qui grossit pendant la nuit, et élargit peu-à-peu le passage, soit qu'on aime mieux l'attribuer aux dieux, le fracas fut tel qu'il jeta l'épouvante dans tous les cœurs. Les assiégés et les assiégeans en ignoroient également la cause; mais les uns et les autres croyoient que la plus grande partie des murs et de la ville étoit renversée.