On taille d'abord, en forme de tétragone, des lames de fer et de cuivre, de la largeur d'un empan; on les adapte ensuite de manière que, dans le sens perpendiculaire et transversale, elles se couvrent les unes les autres; des coutures faites en-dessous les attachent ensemble. Cette cuirasse forme un manteau d'écailles, qui tombe sur le corps, l'enveloppe de toutes parts, sans causer la moindre douleur, et s'applique sur chaque membre, sans en gêner les mouvemens: ils ont aussi des brassarts, qui prennent depuis le col jusqu'aux cuisses, mais qui n'en couvrent point la partie intérieure, qui presse les flancs du coursier. Cette cuirasse résiste à tous les traits, garantit de toutes les blessures: un autre cuissart enveloppe aussi la jambe depuis le talon jusqu'au genou. Une armure presque, semblable couvre aussi le cheval; ses jambes sont garnies; toute sa tête est enveloppée: de dessus son dos pend de chaque coté une cuirasse de fer, qui lui couvre les flancs: par le vide, qu'on a soin de laisser, la légèreté du coursier n'est point gênée. Ainsi armé et caparaçonné, le cavalier, surchargé d'un si grand poids, a besoin d'aide pour monter à cheval. Au moment du combat, il lâche la bride à son coursier, et fond avec la rapidité du vent sur l'ennemi: on diroit d'un homme de fer, ou d'une statue d'airain vivante. Une pique, dont la pointe dépasse la tête du cheval, est soutenue par un anneau attaché à son cou; l'autre extrémité est suspendue au pommeau de la selle. Dans les combats, elle arme la main du cavalier, qui, en la dirigeant, en seconde l'effort, et redouble la violence du coup qu'elle porte: aussi perce-t-elle tout ce qu'elle rencontre, et souvent deux ennemis en même-tems. A la tête d'une armée ainsi rangée, soutenue de cette cavalerie, le Satrape marche au- devant d'Hydaspe. Le fleuve est derrière, pour que les Ethiopiens ne puissent environner son armée, moins nombreuse que la leur. Hydaspe avance à sa rencontre. A l'aile droite des ennemis, composée des Mèdes et des Perses, il oppose les habitans de Méroë, guerriers armés de toutes pièces, et accoutumés à combattre de pied ferme. Les Troglodytes, et les habitans des pays voisins des climats où naît la cinnamome, légèrement armés, vîtes à la course, habiles à lancer des traits, sont opposés aux frondeurs et aux archers d'Oroondates. Hydaspe, ayant appris que le général Perse mettoit beaucoup de confiance dans sa cavalerie bardée de fer, se place lui-même au centre avec les éléphans chargés de tours: devant eux il range les Blemmyes et les Serres, pesamment armés, et les instruit de ce qu'ils ont à faire pendant l'action. On lève les drapeaux de part et d'autre, et on donne le signal du combat: du côté des Perses, les trompettes retentissent, et du côté des Ethiopiens les tambours et les timballes. Oroondates conduit sa phalange à l'ennemi en poussant de grands cris. Hydaspe ordonne à ses soldats de s'avancer à petits pas pour ne pas laisser ses éléphans derrière, et pour ralentir l'ardeur et amollir le choc de la cavalerie ennemie. Arrivés à la portée du trait, les Blemmyes, voyant les Perses aiguillonner leurs coursiers pour tomber sur eux, se mettent en devoir d'exécuter les ordres de leur roi: ils laissent les Serres rangés devant les éléphans pour les soutenir, s'élancent hors des rangs, et se précipitent contre cette cavalerie couverte de fer. Les Perses, les voyant s'avancer en petit nombre contre des troupes plus nombreuses et bien cuirassées, les