prennent pour des frénétiques; ils redoublent d'ardeur, volent à l'ennemi avec la confiance de la victoire, et persuadés qu'ils vont les renverser du premier choc. Les Blemmyes, prêts à en venir aux mains, et à la portée de la lance, se baissent tout-à- coup, et tous en même-tems, et se glissent sous les chevaux. Un genou en terre, la tête et le dos sous le ventre des coursiers, ils se signalent par des prodiges inouis: ils saisissent l'instant où les chevaux passent, pour leur percer le ventre à coups d'épée; ces animaux, ne pouvant supporter la douleur, ne sentant plus le frein, renversent leurs cavaliers; beaucoup même s'abattent: ces cavaliers, incapables de se remuer sans un secours étranger, étendus par terre, immobiles, sont égorgés par les Blemmyes. Tous ceux dont les chevaux ne sont point atteints, tombent sur les Serres; mais ceux- ci, les voyant approcher, se retirent promptement derrière les éléphans, qui leur servent comme de remparts: il se fait là un horrible carnage; presque tous ces cavaliers y périssent: les chevaux voient paroître tout-à-coup les éléphans; à la vue de ces masses énormes et nouvelles pour eux, ils retournent en arrière, ou s'embarrassent les uns les autres, et portent le désordre dans les rangs de la phalange. Dans les tours que portent les éléphans, sont six guerriers, deux de chaque côté, armés chacun d'un arc; la partie de derrière est vide: ils ne cessent de tirer de ces tours comme d'une citadelle; l'air est obscurci de la multitude des traits qu'ils lancent. Bientôt les Ethiopiens ne visent plus qu'aux yeux des ennemis: on diroit que, sûrs de la victoire, ils ne font plus que s'exercer. Ils décochent leurs flèches avec tant de dextérité, que les Perses atteints de ces traits qu'ils portent ainsi dans leurs yeux, s'abandonnent en désordre au milieu de leurs troupes. Ceux qui sont emportés par la rapidité de leurs chevaux, vont tomber au milieu des éléphans; les uns sont renversés, foulés aux pieds par ces animaux; les autres sont immolés par les Serres et les Blemmyes, qui, sortant de derrière les éléphans comme d'une embuscade, ou les percent de leurs traits, ou les saisissent et les renversent de dessus leurs chevaux. Tous ceux qui échappent, s'enfuient à toute bride, sans faire aucun mal aux éléphans; car ces animaux, lorsqu'ils vont au combat, sont aussi couverts de fer. La nature d'ailleurs les a munis d'une peau en écailles impénétrables, dont la dureté repousse tous les traits. Enfin, tous les autres étant mis en fuite, le satrape Oroondates lui-même, oubliant le soin de sa gloire, abandonne honteusement son char, monte sur un coursier de Nisa, et s'enfuit précipitamment. Les Egyptiens et les Lybiens, qui sont à l'aile gauche, ignorant cette déroute, soutiennent le combat avec une valeur héroïque: quoiqu'ils reçoivent plus de mal des ennemis qu'ils ne leur en font, ils ne s'en défendent pas avec moins d'intrépidité. Ils ont en tête les peuples qui habitent les climats où naît le cinnamome, et qui les maltraitent cruellement. Lorsqu'ils avancent, les ennemis fuient devant eux, et, tout en fuyant, les accablent d'une grêle de traits: s'ils se retirent, ils fondent sur eux; les uns, à coups de fronde, les attaquent en flanc; d'autres, avec de petites flèches trempées dans du sang de dragon, portent une mort certaine dans leurs rangs.