cet autre auprès d'eux, qui ressemble à un eunuque? C'est vraiment aussi un eunuque, répond un des spectateurs: il s'appelle Bagoas; Oroondates n'a point fait de perte plus sensible. Qu'il suive ces captifs, reprend Hydaspe, non pour être immolé avec eux, mais pour garder cette jeune fille. Sa beauté demande qu'elle soit surveillée de près, pour qu'elle soit conservée pure et sans tache jusqu'au moment du sacrifice. La jalousie, passion naturelle aux eunuques, s'oppose à ce que les autres jouissent de plaisirs qui leur sont interdits. Le monarque Ethiopien continue de passer en revue et d'examiner les autres prisonniers qui défilent devant lui. Il donne comme esclaves, ceux qui le sont par état, et rend la liberté à ceux qui sont de condition libre. Il choisit dix jeunes gens et autant de jeunes filles, à la fleur de l'âge, d'une beauté remarquable, les joint à Théagènes et à Chariclée, et leur réserve le même sort. Après avoir répondu à tout le monde, il s'adresse à Oroondates qu'il avoit appelé, et que l'on portoit en litière. Il ne reste plus, lui dit-il, de semences de guerre; je suis maître de Philes et des mines de diamans, la cause de celle-ci. Je n'ai point l'ambition des conquérans: mes succès ne m'enorgueillissent point; je ne veux point profiter de ma victoire pour reculer au loin les bornes de mes états. Je me renferme dans les limites que la nature elle-même a posées entre les deux empires, les cataractes. Comme je possède actuellement ce qui m'a amené, je respecte l'équité, et je retourne dans mes états. Si vous revenez à la santé, vous garderez votre gouvernement; vous annoncerez au roi de Perse qu'Hydaspe, votre frère, vous a vaincu par son courage; mais que sa générosité vous a rendu tout ce que vous possédiez; qu'il ne demande que votre amitié; qu'il ne connoît point de bien plus précieux; mais qu'il ne redoute pas la guerre, si vous voulez la recommencer. Je remets aux habitans de Syène les impôts pour dix ans, et je vous prie de les en exempter. A ces mots, tous les spectateurs poussent de grands cris: les applaudissemens et les acclamations des habitans et des soldats se mêlent ensemble. Oroondates, étendant les deux bras, et les croisant, se prosterne devant lui et l'adore, contre l'usage des Perses, qui ne rendent jamais de pareils hommages à des rois étrangers. O vous! qui êtes ici présens, dit-il, je ne crois pas manquer aux usages, ni violer les lois de mon pays, en adorant un prince qui me rend mon gouvernement. Ma vie est entre ses mains: il est maître de mon sort; il ne me témoigne que de la bonté, me rétablit dans ma dignité. Si je recouvre la santé, je promets d'unir les Ethiopiens et les Perses par les liens d'une amitié et d'une paix éternelles. Je promets de remplir envers les habitans de Syène les intentions d'Hydaspe; mais si ma destinée..... Puissent les dieux m'acquitter envers Hydaspe et toute sa famille! Fin du Livre Neuvième. LIVRE DIXIEME.