matières légères, volent rapidement sur les flots: elles ne portent que deux ou trois hommes. On coupe un roseau en deux, et chaque côté forme une de ces barques. Méroë, capitale de l'Ethiopie, est dans une île triangulaire formée par trois fleuves navigables: le Nil, l'Astaboras et l'Asasobas. Les eaux du Nil rencontrent un angle qui les sépare en deux bras. Les deux autres fleuves coulent de l'autre côté, se déchargent l'un dans l'autre, et tombent bientôt dans le Nil, qui les absorbe et leur fait perdre leur nom. Cette île est très-vaste, et semble même un continent. Elle a trois mille stades de longueur (environ 114 lieues) sur mille de largeur (environ 38 lieues). Elle nourrit des animaux très-grands, entr'autres des éléphans. Elle a ses arbres et ses plantes particulières. Outre qu'elle produit des palmier très-grands, dont les fruits sont très-gros et très-agréables, elle produit encore de l'orge et du bled, qui s'élèvent à une telle hauteur, qu'un homme, monté sur un cheval et même sur un chameau, peut s'y cacher. La terre y rapporte trente pour un. C'est là que croissent les roseaux dont nous avons parlé. Pendant toute la nuit, les habitans de Méroë passent le fleuve en différens endroits, et vont fort loin au-devant de leur roi. Dans les transports de leur joie, ils le regardent comme un dieu. Les Gymnosophistes le rencontrent à quelque distance de l'enceinte sacrée, lui donnent la main et l'embrassent. Après eux on voit Persine dans le vestibule du temple; mais elle ne sort point de l'enceinte. D'abord ils se prosternent, adorent les dieux, leur adressent des prières, les remercient de la victoire remportée sur les Perses et de la conservation des jours de leur monarque. Ils sortent ensuite du temple, vont s'asseoir sous une tente dans la plaine, et s'occupent du sacrifice. Cette tente, construite avec quatre roseaux, est quarrée. Chaque roseau, comme une colonne, soutient chaque côté. Le haut se replie en ceintre, et, entrelacé avec les extrémités des trois autres, forme le toit. Dans une autre tente voisine, dressée sur un tertre, sont les statues des dieux du pays, les images des héros, Memnon, Persée, Andromède, que les rois d'Ethiopie regardent comme leurs premiers ancêtres. Sur un siège plus bas, pincé aux pieds de ces statues, sont assis les Gymnosophistes. En dehors, sont les troupes pesamment armées: rangées en cercle, tenant leurs boucliers droits et entrelacés les uns dans les autres, elles contiennent la multitude, et font régner la tranquillité nécessaire dans une fête si auguste. Hydaspe, après avoir parlé au peuple, lui avoir annoncé les triomphes des armes Ethiopiennes, ordonne aux prêtres de commencer le sacrifice. Trois grands autels sont élevés; deux, au Soleil et à la Lune, distingués l'un de l'autre quoique unis. D'un autre côté est celui de Bachus. On immole à ce dieu toutes sortes d'animaux, sans doute parce que sa puissance est reconnue et célébrée de tous les peuples. On immole au Soleil quatre chevaux blancs, pour honorer le plus rapide des dieux par le sacrifice du plus léger des animaux; à la Lune, un couple de bœufs, pour honorer une déesse, qui tourne autour de la terre, par l'effusion du sang des animaux qui la cultivent. A peine ces victimes sont-elles immolées, qu'on entend tout à-coup des cris confus et tumultueux, tels qu'il s'en élève au milieu d'une multitude immense d'hommes rassemblés. Qu'on satisfasse aux lois de nos pères, s'écrient tous les spectateurs: qu'on immole, au nom de la patrie, les victimes accoutumées: qu'on offre aux dieux