d'un homme du peuple, mais le témoignage de notre juge lui-même; et le témoignage d'un juge est une preuve bien forte. Cet écrit vous apprendra quels liens nous unissent l'un à l'autre. En même-tems elle tire la bandelette qui lui ceint les reins, la développe et la porte à la reine. A cette vue, Persine reste muette, interdite: ses regards se portent alternativement sur cette bandelette et sur Chariclée: elle tremble, elle frémit; la sueur ruisselé sur tout son corps: elle est au comble de la joie; mais cette joie est altérée par les plus vives inquiétudes: elle redoute les soupçons, l'incrédulité même d'Hydaspe; elle redoute sa colère et sa vengeance. Hydaspe, la voyant interdite, et dans de si terribles angoisses: Princesse, dit-il, qu'avez-vous? Pourquoi cette bandelette fait-elle sur vous une telle impression? O vous! répond Persine, vous, mon roi, mon maître et mon époux.... Je ne puis vous en dire davantage; prenez et lisez: cette bandelette vous apprendra tout. Elle la lui donne aussitôt, le regarde, baisse les yeux et se tait. Hydaspe la prend, invite les Gymnosophistes à s'approcher, à lire avec lui. Il s'étonne, et voit Sisimithrès partager sa surprise; il voit se peindre sur son visage les différentes agitations de son ame; il le voit promenant ses regards sur la bandelette et sur Chariclée. Enfin il apprend l'exposition et la cause de l'exposition de sa fille. Je ne puis douter, dit-il, que je n'aie donné le jour à une fille. La reine me dit alors qu'elle étoit morte; je vois aujourd'hui qu'elle a été exposée; mais qui la prise? qui l'a sauvée? qui la nourrie? qui l'a transportée en Egypte? Cet homme là ne seroit-il pas aussi prisonnier? qui m'assurera que c'est ma fille, qu'elle n'a point péri, lorsqu'elle a été exposée? Quelqu'un ne pourroit-il pas avoir trouvé ces objets, et ne voudroit-il pas profiter aujourd'hui d'une si heureuse rencontre? Je crains que la fortune ne m'en impose; que quelque divinité, revêtue des traits de cette jeune personne, comme d'un masque, ne veuille me leurrer du plaisir d'être père, et ne m'amène ici un enfant qui n'est pas le mien, pour l'asseoir après moi sur mon trône. Cette bandelette donne à tout un air de vérité[68]. Sisimithrès alors prenant la parole: Je vais, dit-il au roi, lever votre première difficulté. Celui qui a trouvé votre fille exposée, qui l'a emportée, qui l'a nourrie secrètement, qui l'a portée en Egypte, c'est moi, et cela, quand vous m'y avez envoyé en ambassade. Vous savez, ajoute-t-il, que nous nous faisons un scrupule de trahir la vérité. Je reconnois cette bandelette, sur laquelle vous voyez tracées ces lignes en caractères royaux; vous ne pouvez avoir aucun doute sur l'auteur; vous ne pouvez méconnoître la main qui les a tracées: c'est celle de la reine elle-même. Avec elle, étoient encore exposés d'autres objets que je donnai à un grec, entre les mains duquel je remis votre fille, et dont l'ame me parut honnête et vertueuse. Rien n'est perdu, répond Chariclée; et aussitôt elle montre le collier. A cette vue, l'étonnement de Persine redouble; Hydaspe lui demande quels sont ces objets; si elle a encore quelque nouvel éclaircissement à donner. Elle répond qu'elle les reconnoît, mais que c'est dans son palais qu'elle veut tout examiner. Hydaspe est dans une extrême perplexité. Ces indices, reprend Chariclée, je les tiens de ma mère; mais cet anneau vient de vous; et elle lui montre sa pantarbe. Hydaspe reconnoît le présent qu'il avoit fait à Persine, lorsqu'il briguoit sa main. Il est bien vrai, dit-il, que cet