votre fille à la raison; soit que quelque dieu, descendu au milieu des victimes, soit que la joie excessive, causée par un bonheur aussi inespéré, la lui ait fait perdre. Je vais donner des ordres, faire chercher une victime pour la remplacer: je vais, en attendant qu'elle soit trouvée, donner audience aux ambassadeurs, recevoir les présens qu'ils m'apportent, pour me féliciter de ma victoire. En parlant ainsi, Hydaspe monte sur un trône élevé près de la tente où, est la reine. Il ordonne d'introduire les députés avec les présens qu'ils apportent. Harmonias, l'introducteur, lui demande s'il faut faire paroître tous les ambassadeurs ensemble, ou les uns après les autres. Le roi lui ordonne de les appeler les uns après les autres, pour rendre à chacun les honneurs qu'il mérite. Prince, répond le héraut, le premier qui va paroître est votre neveu Méroëbe; il vient d'arriver, et il attend auprès de l'enceinte qu'on l'appelle. Pourquoi, répond Hydaspe avec aigreur [70], ne m'as-tu pas averti sur- le-champ: tu sais que c'est un roi et non un ambassadeur, le fils de mon frère, mort depuis peu. Tu sais que je l'ai mis sur le trône, et qu'il me tient lieu de fils. Prince, répond Harmonias, je le sais; mais je suis aussi que le devoir d'un introducteur c'est de saisir l'occasion favorable; que c'est un point très-délicat; excusez-moi: je n'ai pas voulu troubler le plaisir que vous aviez à vous entretenir avec les princesses. Qu'il paroisse au moins à présent, réplique Hydaspe. Le héraut court, exécute l'ordre et revient. Bientôt on voit paroître Méroëbe, jeune prince d'une grande beauté, âgé de dix-sept ans: il entre dans la classe des adolescens. Il paroît, par sa haute stature, au-dessus presque de tous les spectateurs. Une garde brillante l'accompagne: les soldats Ethiopiens, rangés autour de leur roi, saisis d'admiration et de respect, lui ouvrent un passage au milieu d'eux. Hydaspe lui-même descend de son trône, va au-devant de lui, l'embrasse avec une tendresse vraiment paternelle, le place auprès de lui, et, lui prenant la main: Mon fils, lui dit-il, vous arrivez bien à propos; vous allez offrir avec moi un sacrifice aux dieux, pour les remercier de ma victoire, et célébrer en même- tems un hyménée. Les dieux et les héros nos ancêtres, me font retrouver à moi une fille, et à vous une épouse. Vous apprendrez dans la suite un évènement si extraordinaire; mais en attendant, si vous avez quelque affaire importante à traiter, parlez. Au mot d'épouse, Méroëbe rougit de plaisir et de pudeur. Sa peau noire se teint d'un léger incarnat, comme on voit ne foible étincelle briller au milieu d'un tourbillon de fumée. Mon père, dit-il, après quelques momens de silence, les autres ambassadeurs, pour vous féliciter d'une victoire si éclatante, vous apportent ce qu'ils ont de plus précieux. Vous êtes intrépide dans les combats; vous avez remporté le prix de la valeur: je veux vous faire un présent analogue à vos qualités. Je vous amène un homme si terrible dans les combats, si accoutumé à répandre le sang de ses ennemis, qu'il n'a point encore trouvé d'antagoniste digne de lui. A la lutte, au pugilat, personne ne lui peut résister. En même-tems il fait un signe et appelle ce redoutable athlète. Celui-ci s'avance au milieu de l'assemblée, et se prosterne devant Hydaspe. Sa taille est si gigantesque, que, prosterné aux pieds du roi, il paroît presque aussi grand que ceux qui sont assis sur des sièges élevés. Bientôt il met bas sa robe, reste debout, nud,