parler de Méroëbe; mais je ne sais comment vous le connoissez, et je ne lui ai encore que promis ma fille. Ne parlez pas, dit Théagènes, d'un hymen qui ne se fera pas, si je connois bien les sentimens de Chariclée: vous devez croire à mes prédictions; je suis une victime. Les victimes, reprend Méroëbe, ne prédisent que quand elles sont immolées; c'est dans leurs entrailles palpitantes que les prêtres lisent l'avenir. Ainsi, mon père, vous avez raison de dire que cet étranger parle comme un homme que la mort va saisir. Ordonnez qu'on le mène aux autels. Vous ferez le sacrifice quand tous aurez tout terminé. Théagènes est donc conduit aux autels. Chariclée, voyant son amant vainqueur, avoit repris courage et conçu de bonnes espérances; mais le voyant reconduire aux autels, le désespoir s'empare d'elle. Persine la console; ce jeune homme, lui dit-elle, sauveroit peut-être sa vie, si vous vouliez parler et vous expliquer nettement. Pressée par les circonstances, cédant à la nécessité, Chariclée se détermine à tout révéler à sa mère. Cependant Hydaspe demande à son héraut s'il y a encore quelques ambassadeurs à entendre. Prince, lui dit Harmonias, il n'y a plus que des députés de Syène, qui viennent d'arriver avec une lettre et des présens de la part du Satrape Oroondates. Faites-les venir, dit Hydaspe. Les députés paroissent aussitôt, et présentent la lettre conçue en ces termes: Oroondates, Satrape du grand roi, à Hydaspe, le plus humain et le plus heureux des rois. Après m'avoir vaincu par la force des armes et sur-tout par vos vertus; après m'avoir rendu mon gouvernemen, j'ose encore espérer que vous ne me refuserez pas la faveur que je vous demande. Une jeune fille, que l'on m'amenoit de Memphis, est tombée entre les mains de vos guerriers; ceux qui l'accompagnoient alors, et qui ont échappé au danger, m'ont rapporté que vous l'aviez conduite en Ethiopie. Je vous la demande comme un présent: je l'aime moi-même; mais je désire encore plus la rendre à son père. Ce vieillard, cherchant sa fille de contrée en contrée, a été pris par la garnison d'Eléphantine. Je l'ai vu en passant en revue les débris de mes troupes. Il m'a demandé à être envoyé vers vous: il est au nombre des députés; ses manières annoncent une naissance distinguée; son extérieur imprime le respect. Prince, je me flatte que vous le renverrez satisfait, et qu'il n'aura pas seulement le nom de père, mais qu'il le sera réellement. Quel est celui, dit Hydaspe, après la lecture de la lettre, qui cherche sa fille? On lui montre un vieillard. Etranger, lui dit-il, je suis prêt à satisfaire à toutes les demandes d'Oroondates. Je n'ai réservé que dix jeunes captives: il en est une reconnue pour n'être point votre fille; voyez les autres: et si elle se trouve parmi elles, emmenez-la. Le vieillard se prosterne, baise les pieds du roi. On amène devant lui ces jeunes captives: il ne reconnoît point sa fille parmi elles. Prince, dit-il à Hydaspe, tout pénétré de douleur, ma fille n'est point parmi celles-ci. Vous voyez mes dispositions, répond Hydaspe. Si vous trouvez pas votre fille, accusez-en la fortune. Vous pouvez vous convaincre, par vos propres yeux, qu'il n'y a point ici d'autre captive. Le vieillard se meurtrit le visage, verse un torrent de larmes, promène ses yeux sur l'assemblée, et se met à courir tout-à-coup comme un furieux. Il va droit aux autels: