Épargnez-vous des images troublantes et confiez cette tâche à Euphrastes; sanctionnez-le sous prétexte d'une quelconque erreur. Vous vous éviterez la peine de le voir souffrir : ce qu'on entend blesse bien moins que ce qu'on voit. Si son cœur se repent, s'il regrette son comportement passé, nous mettrons fin à ses souffrances. Arsace prend les conseils de Cybèle à la lettre. L'amour destiné à la désolation ne connaît pas de retenue. Le mépris l'exaspère, et il s'élance vers la vengeance. Arsace convoque le chef des eunuques, lui ordonnant d’exécuter ce qu’elle vient de décider. Tourmenté par la jalousie, une lamentation courante parmi les eunuques, déjà irrité contre Théagènes pour ce qu'il aperçoit et suppose, Euphrastes l'encage dans une cellule sombre, le couvre de chaines, le laisse affamé et lui inflige diverses tortures. Théagènes n'est pas dupe de la raison de cette conduite; mais il fait comme s'il l'ignorait et tente d'obtenir une réponse de son geôlier qui reste muet. Euphrastes, sans crainte de transgresser les ordres d'Arsace, invente chaque jour de nouvelles tortures et intensifie les souffrances de sa victime. Il interdit à quiconque de voir Théagènes : seule Cybèle a le droit d’entrer dans sa cellule. Elle se rend souvent chez lui, prétendant lui apporter de la nourriture en secret. Elle feint de prendre en pitié l'homme à qui elle est liée ; mais son véritable dessein est de sonder ses résolutions et l'état de son âme, pour voir si les tourments ne sapent pas sa constance. Théagènes, malgré un corps affaibli par les mauvais traitements, maintient un esprit inébranlable dans ses principes de vertu : il affronte les épreuves avec courage et remercie le destin de lui offrir, à travers ces maux, l'opportunité de montrer son attachement et sa fidélité à Chariclée . Tout ce qu'il souhaite, c'est qu'elle soit informée de ses souffrances. Il appelle sans cesse Chariclée, sa clarté, son âme, sa vie. Arsace a voulu faire fléchir Théagènes, pas le tuer. Cybèle se voit ordonner de ne pas trop le tourmenter : mais la férocité d’Euphrastes, malgré les ordres d’Arsace, amène Théagènes à perdre tout espoir. Elle voit la menace d'Oroondates, qui lui apprend ses intrigues, s’abattre sur elle ; elle craint aussi d'être sacrifiée par Arsace, indignée de la tromperie quant à son amour. Elle choisit d'aller de l'avant en résolvant Arsace en accord avec ses désirs, pour se protéger du danger imminent, ou en réduisant à néant toutes les preuves de cette conspiration en menaçant les complices de tombeau. Elle se dirige vers Arsace : "Ô ma maîtresse!" déclare-t-elle, "Rien n'y fait, il est insensible à tout. Il devient de jour en jour plus audacieux. Le nom de Chariclée est constamment sur ses lèvres; il l'appelle sans cesse : ce nom semble être pour lui un baume qui apaise ses douleurs. Nous n'avons plus qu'une solution. Chariclée seule se dresse contre nos désirs. Nous devons nous en débarrasser. Quand il apprendra qu'elle n'est plus, son amour trahi sera moins réfractaire et cédera plus facilement à vos vœux."