Depuis un certain temps, la jalousie ronge Arsace, et l'annonce de l'amour de Théagènes n'a fait qu'augmenter sa fureur. Elle accueille avec avidité les suggestions.
"Très bien !" dit-elle, "je saurai comment me débarrasser de cette furie. Mais qui," répond Cybèle, "sera disposé à vous aider ? Votre autorité est certes illimitée, mais la loi vous empêche d'ôter la vie à quiconque sans le jugement des magistrats de Perse. Il faudra inventer des motifs de mécontentement, des accusations criminelles contre Chariclée. Je suis prête à tout, à tout endurer pour vous ; le poison sera votre allié, un breuvage concocté par mes soins fera disparaître votre concurrente."
Arsace approuve ce plan et ordonne à Cybèle de le mettre à exécution. Cette dernière se précipite alors pour retrouver Chariclée, informée de la situation de Théagènes par Cybèle. Cette dernière l'avait trompée précédemment en lui apportant de fausses raisons pour lui interdire de voir son amant et d'aller dans sa chambre comme à son habitude. Elle trouve Chariclée anéantie par le chagrin, noyée dans ses larmes. La jeune femme ne pense qu'à quitter ce monde. "Ne vous morfondez pas ainsi dans le regret et la tristesse," lui dit Cybèle. "Théagènes récupérera sa liberté : il reviendra près de vous ce soir. Arsace, furieuse contre lui pour une quelconque faute commise, l'a fait emprisonner, mais a promis de lui accorder la liberté aujourd'hui en réponse à ma requête et à l'occasion d'une cérémonie festive qu'elle se doit de célébrer avec un magnifique banquet. Levez-vous donc, mangez quelque chose avec moi aujourd'hui, reprenez des forces."
"Que valent vos paroles ?" rétorque Chariclée. "Vous m'avez trompée tant de fois, je me méfie de tout ce que vous dites. Je fais appel aux dieux," ajoute Cybèle, "vos peines sont sur le point de terminer ; ne vous privez pas de nourriture pendant si longtemps. N'attentez pas à votre vie, goûtez à ces plats."
Toujours méfiante envers Cybèle, Chariclée hésite à manger. Mais finalement, c'est l'espoir de revoir Théagènes qui l'emporte. On a tendance à croire facilement ce que l’on désire.
Les deux femmes s'installent à table et commencent à manger. Abra les sert : deux coupes sont remplies de vin ; Cybèle en donne une à Chariclée et prend l'autre pour elle. À peine l'a-t-elle fini, ses yeux se troublent ; elle renverse ce qui reste dans sa coupe, et lance un regard furieux à l'esclave. Rapidement, elle commence à éprouver des convulsions et des douleurs atroces. Chariclée est prise de panique et tente de lui venir en aide. L'agitation gagne tout le monde présent.
Le breuvage, contenant un poison puissant capable de tuer instantanément un jeune homme robuste, circule rapidement dans le corps affaibli et usé par la vieillesse de Cybèle, agissant à une vitesse inouïe. Les yeux de Cybèle s'embrasent, ses membres se figent, sa peau noircit ; son âme malveillante est encore plus cruelle que le poison qui la consume. Ainsi, Cybèle, en mourant, réussit encore à commettre une abomination car, par ses gestes et ses dernières paroles, elle désigne Chariclée comme la coupable de sa mort.
Chariclée est aussitôt menottée et présentée devant Arsace. La princesse lui demande si elle est à l'origine du poison et la menace de la torture si elle ne confesse pas. L'étonnement est général chez tous les témoins présents.