Chariclée se tenait fière et sans peur, son visage rayonnant exprimait même une sorte de joie devant l'événement tragique qu'elle venait de vivre. Elle résistait à la calomnie, confortée par l'absolution de sa conscience, se réjouissant de n' avoir pas à survivre à Théagènes en se préparant à un destin criminel qu'elle envisageait. Auguste princesse, dit-elle à Arsace, si Théagènes vit encore, je suis innocente; mais si ses jours ont été écourtés par vos sombres desseins, il est inutile de recourir à la torture. C'est moi qui ai empoisonné celle qui vous a élevé et instruit si vertueusement. Hâtez-vous de me supprimer; vous me rendrez un dernier service agréable à Théagènes, qui a résisté si courageusement à vos débauches. A ces mots, Arsace, ivre de colère, la fait battre et la traîne en prison. "Emmenez cette sorcière comme elle est, faites-lui voir son amant traité comme il le mérite. Ne lui laissez pas une mobilité d'un seul membre; confiez-la à la surveillance d'Euphrates jusqu'à demain; l’infamie dont elle m’a couverte sera lavée dans son sang par un verdict des juges perses." L'esclave qui avait servi la coupe décisive à Cybèle était d'origine ionienne et c'était la servante personnelle de Chariclée à la cour d'Arsace. Tandis qu'ils emmenaient Chariclée, que ce soit par affectation ou par décret divin, elle ne put s'empêcher de verser des larmes et de gémir. Entendue et surprise par tout le monde, elle est contrainte à expliquer. Elle admet avoir empoisonné Cybèle, mais avec la potion que cette dernière lui commandait de servir à Chariclée. Elle raconte qu'effrayée par l'énormité de l'acte, ou perturbée par Cybèle qui lui avait signalé de servir d'abord à Chariclée, elle a inversé les coupes, empoisonnant ainsi la vieille dame. L'esclave est menée devant Arsace, tout le monde espère ardemment que ce retournement de situation suffira à prouver l'innocence de Chariclée. La prestance de son âme, la beauté de son visage, attendrissant même les barbares présents. Cependant, ce témoignage ne fait qu'augmenter les soupçons d'Arsace qui accuse l’esclave de conspirer avec Chariclée. Elle est mise aux fers et gardée pour le jugement. Arsace convoque ainsi les magistrats des tribunaux pour le lendemain, pour les juger tous les deux. Le lendemain, les juges se rassemblent en audience. Arsace relate les faits tels qu'ils se sont déroulés, déchaîne sa colère contre Chariclée, qu'elle accuse d'empoisonnement. Mélodramatiquement, elle pleure sur le sort de sa nourrice, exprime le profond chagrin de la perte de sa femme la plus chère et la plus fidèle, elle fait appel à la conscience des juges, rappelant combien elle a été généreuse envers Chariclée en lui offrant un refuge et une vie confortable dans son palais, mais en retour, elle ne reçoit que de la trahison et du poison. Elle finit son réquisitoire en déversant sa haine la plus sadique contre Chariclée. Chariclée, elle, ne se défendit point: elle admit tout, avouant avoir empoisonné Cybèle. Elle affirme qu'elle aurait tué Arsace elle-même si elle n'avait pas été devancée. Elle couvre Arsace d'insultes, mettant les juges au défi de le punir. Dans la nuit en prison, elle avait tout révélé à Théagènes, elle lui avait appris ce qui le regardait, elle avait convenu avec lui de se reconnaître coupable du meurtre de Cybèle. Ainsi, elle brave la sentence capitale avec ses horreurs, prête à mettre un terme à une vie.