Théagènes réplique : "Ce miracle récent semble indiquer que ce que tu dis est plausible. Cependant, quelle protection divine peut nous préserver des dangers qui nous guettent demain ? La pantarbe peut certes nous protéger du feu, mais elle ne peut sans doute nous préserver de la mort. Il est indéniable que l'impitoyable Arsace trouvera un autre châtiment sévère pour nous. Sous les auspices de cette déesse, j'aimerais qu'on nous impose à tous deux la même mort. Ce ne serait pas une fin cruelle, mais une libération bienvenue de nos souffrances. N'aie pas peur", réplique Chariclée, "les oracles sont notre ultime protection divine, faisons confiance aux dieux. Si nous survivons, nous trouverons d'autant plus de satisfaction dans la vie; et si nous devons encore souffrir, nous le ferons avec plus de résignation." C'est ainsi que Théagènes et Chariclée discutent dans leur cellule. En des moments, ils versent des larmes, chacun confessant qu'il est plus affligé par les souffrances de l'autre que par les leurs propres. À d'autres moments, ils font leurs adieux et jurent par les dieux, et leur situation précaire, que le flambeau de leur amour ne s'éteindra qu'avec celui de leur vie. Dans l’intervalle, Bagoas et sa troupe atteignent Memphis en pleine nuit, alors que tout le monde est profondément endormi. Il réveille les gardes, se fait identifier, tous se mettent en route vers le palais en grande hâte. Bagoas déploie ses cavaliers autour de lui, prêts à se battre en cas de résistance. Il entre par une porte secrète, force son accès, se fait reconnaître par le gardien et lui demande de garder le silence. Grâce à la mince clarté de la lune, et à sa connaissance des lieux, il trouve Euphrates endormi. Réveillé en sursaut par Bagoas, Euphrates pousse un cri. Bagoas le rassure : "C'est moi, allumez la lumière." Après qu'Euphrates eut ordonné à un de ses esclaves d'allumer un flambeau sans réveiller personne, Bagoas lui dit, "Qu'est-ce qui nous amène une visite aussi soudaine et imprévue ?", à quoi Bagoas réplique, "Il n'y a pas de temps à perdre en paroles inutiles, lisez cette lettre, vérifiez d'abord le sceau, assurez-vous qu'elle vient d'Oroondates lui-même. Exécutez ce qu'il vous commande sur-le-champ et tirez profit de l'obscurité de la nuit pour ne pas être vu, quant à la lettre adressée à Arsace, décidez vous-même s'il convient de lui remettre." Euphrates prend les lettres et les lit toutes deux. "Arsace versera des larmes," dit-il, "elle est déjà au seuil de la mort. Une fièvre ardente l'a saisie hier; le feu court dans ses veines; sa vie est en péril extrêmement grave. Je ne lui donnerais pas cette lettre, même si elle me la demandait: elle sacrifierait sa vie et la nôtre plutôt que de livrer ces deux étrangers. Mais votre arrivée ne pourrait pas être plus opportune : prenez-les et emmenez-les; portez-leur secours autant que vous le pouvez; ayez pitié de ces deux victimes malheureuses, soumises à une pléiade de tourments et de supplices divers, que je leur inflige malgré moi, sur ordre d'Arsace; tout indique qu'ils sont de noble naissance; le temps et les circonstances ne me laissent aucun doute sur leur vertu." Sur ces mots, il le conduit jusqu'à la prison.